Verdict : Miller Fisher. Le petit frère du premier, le Guillain-Barré. Les mamans ne me parlaient plus, elles avaient peur que je leur refile.
A 11 ans, en avril 1987, j’ai fait une syncope une quinzaine de jours avant le début réel des symptômes. Puis, apparition de cloques sur les mains et sur les pieds qui disparaissaient à toute vitesse… pour revenir aussi vite, avec l’impression que les extrémités de mon corps brûlaient. Le docteur a cru que j’avais une allergie et a laissé courir…
Caroline, 31 ans
Guillain-Barré à 11 ans (en 1987)
Paralysie mais pas de diagnostic
Deux jours après au réveil, j’étais toute bizarre. Je ne pouvais plus parler, juste gémir… Paralysie débutante de partout…vision troublée… Ma mère a appelé une ambulance qui a fait un record de vitesse pour venir chez nous.
Arrivée à l’hôpital, je ne vois que les lumières blanches très fortes (un moment j’ai cru que c’était le grand tunnel… mais non, c’était juste le couloir !). Coma, paralysie totale depuis le bout des pieds jusqu’au cervelet (le seul truc qui n’a pas « bugué »). 12 jours de coma avec respirateur artificiel, pas de diagnostic au début, donc mes parents ne savaient pas si j’allais m’en tirer ou pas…
Souvenirs vagues vu de dessus, comme une expérience hors-corps (EHC) : un jeune gars qui meurt, en face, de la même chose que moi après une trachéotomie ; un vieux monsieur suicidaire qui débranche son appareil respiratoire tout le temps ; mon père qui pleure ; la radio ; 2 plasmaphérèses (changement de tout le plasma) ; des piqûres 3 fois par jour dans le ventre pour ne pas faire de phlébites ; des examens en tout genre… Puis… réveil.
Des tas d’examens, douloureux
On enlève l’appareil respiratoire qui arrache au passage dans ma gorge (la peau qui a cicatrisé autour ?). Je n’ai donc plus de voix pendant une semaine. On enlève la sonde urinaire en oubliant de bien dégonfler le ballon. On fait un EMG avec du matos quasi en panne, sans embout à mettre autour des doigts mais des fils électriques dénudés qu’on vous plante direct dans les membres afin de vous balancer une belle décharge électrique et voir la réaction (il a fallu 3 adultes pour me tenir). Des ponctions lombaires, une grosse aiguille de 10 cm qu’on veut vous planter dans le talon pour voir si les nerfs fonctionnent… (Ouf ! La prise électrique est tombée en panne… Pas pu le faire !). Passage en pédiatrie et fin des examens avec la confirmation que j’ai un syndrome de Guillain-Barré.
Se traîner par terre pour aller pisser car personne ne vient jamais, se faire tourner et retourner comme un sac de viande, se faire laver avec le même dégoût que lorsqu’on lave une table sale. Et puis sortir, car ma mère a refusé de me laisser dans un centre avec des gens qui ont des membres coupés, qui ont eu des accidents très graves. Elle avait peur que ça me traumatise.
La vie repend après mon Guillain-Barré
Rééduc à la maison avec le kiné tous les deux jours. Ma mère, très dure, n’a rien fait rien pour moi… Et c’est tant mieux, car comme ça, j’étais obligée de me bouger et de me rééduquer, de ne pas sombrer et laisser mes membres mourir.
Et puis le quotidien a repris ! J’ai rattrapé en quelques jours tous les devoirs de l’école et j’y suis retournée… Mon docteur (celui qui croyait que j’avais une allergie) a pris une belle « remise en place » et est retourné faire des séminaires. J’ai retrouvé une partie de mon énergie mais pas tout et j’ai de merveilleux rhumatismes articulaires aux genoux qui ne me lâcheront jamais. J’ai pris 10 ans d’un coup (super pour rentrer en boite), j’ai appris à connaître chaque petit bout de mon corps si bien que quand j’ai mal, je sais exactement si c’est sanguin, nerveux ou musculaire.
On m’a dit que je n’aurais jamais d’enfants, que je ne pourrais jamais donner mon sang. J’ai le bouts des membres froids en quasi permanence et des os un peu moins gros que la norme. Comme mes poumons. Les docs ont dit que ça ne recommencerait jamais, mais je n’y ai jamais cru. Je l’ai dit et suis passée pour une folle. Le seul qui m’a cru c’est mon mari.
Après Guillain-Barré, voici Miller Fisher
Fin 2000, je vis en couple. Mon bébé est né (pas mal pour une femme stérile…) et il a presque 2 ans. Il parle déjà, le bougre ! Je travaille en tant qu’assistante maternelle et… des cloques apparaissent et disparaissent sur mes mains et sur mes pieds. Mais cela ne me fait pas mal !
Je vais à l’hôpital en passant par les urgences et le neuro m’ausculte : « Vous êtes trop sensible madame, c’est juste de l’urticaire… Faut pas se croire malade comme ça, madame ». Ma voix est bizarre, ça trouble mon mari qui ne dort pas et me surveille d’un œil.
Le lendemain, on retourne à l’hôpital : plus de réflexes aux membres, paralysie du larynx, de tout le fond de la bouche. J’ai peur de m’endormir et de m’arrêter de respirer, alors je ne dors pas pendant plusieurs jours… jusqu’à ce que la fatigue m’emporte. Le neuro (le même) m’ausculte et s’excuse de ne pas m’avoir cru. 15 jours d’hosto, examens en tous genres, à nouveau des ponctions lombaires… Mes membres se paralysent petit à petit, mes jambes ne suivent plus. Je ne peux pas manger normalement et on a peur que je fasse des fausses routes alimentaires… Verdict : syndrome de Miller Fisher. Le petit frère du premier, le syndrome de Guillain-Barré.
J’en ai eu marre de l’hôpital
Pas de réa pour le syndrome de Miller Fisher, pas de perte de conscience non plus… Et pas de respirateur (ouf !). A l’hosto, mon chéri m’a ramassée par terre une fois en venant en visite car je voulais aller aux toilettes. Et comme d’hab’, personne ne venait. J’ai du rester par terre une bonne demi-heure à appeler (depuis le sol) et à entendre les nanas rigoler dans le couloir.
Puis, j’en ai eu marre de l’hôpital et je suis sortie. Deux jours après, à cause de ce fichu syndrome de Miller Fisher, j’avais la moitié du visage paralysé, un œil qui disait merde à l’autre donc vision trouble et double. J’étais toujours molle sur mes membres mais ça revenait petit à petit. La bouche pendait d’un côté (j’ai du apprendre à tenir ma bouche pour manger et seulement à la petite cuillère pour ne pas me crever un œil vu la difficulté à viser).
Elles avaient peur que je leur refile mon Miller Fisher
Et il a fallu que mon mari retourne travailler donc que je m’occupe de mon fils seule la journée, que je l’emmène à l’école. Les petits poteaux de trottoir, ceux pour empêcher les voitures de se garer, et bien ils sont juste pas du tout visible… Et bien au niveau des genoux. On a rasé les murs, les mamans ne me parlaient plus, elles avaient probablement peur que je leur refile mon Miller Fisher. Les enfants avaient peur de moi, mon fils me faisait la tête de l’avoir laissé pendant les 2 semaines d’hôpital.
Comme on m’a donné des immunosuppresseurs (ce qui au passage est très sympa pour savoir exactement où se situe chaque bout d’os de votre bassin), j’ai attrapé tout un tas de trucs de passage et fait par dessus tout ça une crise de ménière (problème d’oreille interne).
Et puis, après 2 mois et demi de paralysie faciale qu’on pensait être, du coup définitive, tout est revenu. Sauf ma vessie qui a mis plus de temps. Ah oui ! Les deux fois, j’ai tout « coincé » du bas ventre, donc il faut du temps pour que les organes redémarrent. C’est probablement pour ça que les docs ont cru que j’étais stérile d’ailleurs. En plus, j’ai fait des infections urinaires.
J’ai environ 30% de capacité physique en moins par rapport à une femme de mon âge, d’où ma facilité à être fatiguée. Surtout le soir si je dois faire des efforts prolongés, et une capacité à tout faire et à tout tenir aux nerfs et au caractère.
Peur que mes gosses attrapent Guillain-Barré ou Miller Fisher
Quand cela reviendra-t-il ? Qu’est-ce qui se paralysera ? Est-ce que je pourrai tenir debout jusqu’à avoir élevé mes enfants ? Les jours où ça va pas, j’ai le bas du dos qui part comme un vieux berger allemand et une sciatique chronique comme beaucoup d’autres gens maintenant.
J’ai de la chance je m’en sors bien. Je profite de la vie tant que je peux mais j’ai toujours peur qu’un de mes gosses ait aussi le syndrome de Guillain-Barré ou celui de Miller Fisher… Qui sait ?