On m’annonce que j’ai un virus : le syndrome de Guillain-Barré. Ouf ! Ce n’est pas la myopathie comme mon frère.

1987, “c’était ma fête !” j’avais 14 ans. Le 25 décembre de cette année là, après avoir fait le réveillon et reçu, pour mon Noël, tout un matériel sophistiqué pour effectuer mes compétitions de badminton, je suis réveillé dans la nuit par une gastro-entérite infectieuse qui ne me quittera plus jusqu’au 29 et me fera perdre presque 10 kg !

Sylvain, 34 ans

Guillain-Barré à 14 ans (en 1997)

« Tu as peut-être une myopathie comme ton frère »

Le 31 décembre, jour de marché, j’insiste auprès de ma mère pour qu’elle m’emmène avec elle, n’ayant pas encore mis les pieds dehors depuis le début des vacances. Elle accepte malgré ma fragilité encore évidente. Sans le savoir, ce jour là, j’ai raison d’en profiter, car toute ma vie va basculer dans les heures qui suivent.

Dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier, je me retrouve à me taper (réellement) la tête contre le mur tellement la douleur que je ressens est insupportable : je fais une méningite ! A 7 heures le matin, je me retrouve à l’hôpital, aux urgences, où l’on me fait une ponction lombaire. Après avoir été victime de cet acte médical non sans souffrances, on me dit : « Il faut que tu restes allongé et que tu ne bouges pas. » Je ne me savais pas aussi obéissant : 5 jours passent et je suis toujours cloué dans mon lit d’hôpital, paralysé de toute la partie inférieure de mon corps, du cou et d’une main.

Le médecin arrive dans ma chambre : « On ne sait pas ce que tu as, tu devrais pouvoir bouger s’il ne s’agissait que d’une méningite… Tu as peut-être une myopathie comme ton frère, on va faire d’autres examens » Alors là, c’est l’effondrement. Avoir une myopathie, je savais trop bien ce que cela signifiait, une paralysie grandissante pour mourir avant la trentaine (mon frère avait une Myopathie de Duchenne, il décède à 25 ans en 2000 ; je m’en suis toujours occupé avec ma mère).

C’est un virus, le syndrome de Guillain Barré

Pendant les EMG, prises de sang, ponctions…, c’est une jeune stagiaire de mon âge, en BEP sanitaire et social, qui est chargée de me laver. C’est insupportable, humiliant… Je me sens impuissant, vidé. Je viens de me voir pour la première fois dans un miroir. Mon visage est squelettique, je distingue toute ma mâchoire et le contour de mes yeux est totalement noir… J’ai peur de ce que je suis et de ce que je vais devenir.

Cela fait 8 jours que je suis dans mon lit. Je commence à essayer de me mettre assis en m’aidant de mes bras, mais la douleur est intense au niveau de mon dos, m’obligeant à me rallonger dès les premières secondes. Je répète ce mouvement plusieurs fois mais cela m’épuise. J’arrive à manger seul, allongé, en mettant mon plateau à l’extrémité de mon bras. Le médecin revient en m’annonçant que j’ai un syndrome de Guillain Barré, que c’est un virus dont on ne connaît pas l’origine. Avec de la kiné, je devrais récupérer mes capacités à 100 %. Ouf, ce n’est pas la myopathie.

Le temps de la rééducation

12e jour. J’arrive à rester assis de plus en plus longtemps, j’essaie de me mettre debout mais mes jambes ne répondent plus, je m’effondre à terre. Je sors de l’hôpital en béquilles le 14 janvier 1988 pour aller chez mes parents. J’ai 3 heures de kiné par jour en guise de traitement. La kiné, c’est dur, ça me fait mal, je suis très fatigable. Je suis aussi très irritable, mes parents voulant tout faire à ma place… Ils ne comprennent pas que moi je peux et doit récupérer.

Au fur et à mesure du temps, les crampes m’envahissent, plus de trente par jour, les spasmes musculaires, les tremblements, les douleurs aiguës au niveau des tracés nerveux, les fourmillements et picotements.

4 mois après, toujours en béquilles, un appel d’une pédiatre qui suit mon frère me propose d’entrer dans un établissement spécialisé où rééducation et scolarité sont dispensées avec un internat sur un autre établissement. Je serai dans un appartement avec six autres jeunes handicapés moteurs. J’accepte. Je vais garder les béquilles jusqu’en septembre.

C’est en juillet 1989 que j’ai quitté ces établissements. Après 20 mois de rééducation, je marchais et j’avais mon BEPC. Par la suite, je suis allé au lycée et internat “normal”. Plus de rééducation. Je boite et je tremble, ce qui m’empêche souvent de pouvoir prendre les cours. Et puis je ne tiens plus mon stylo comme avant, ce qui me ralentit (je n’ai plus “la pince”) mais j’arrive à avoir mon Bac puis mon permis voiture.

Je n’ai pas récupéré à 100% du Guillain-Barré

Aujourd’hui, je boite dès que la fatigue me gagne. Je ne peux pas me mettre sur la pointe des pieds, ni courir. J’ai toujours des douleurs au dos (cervico-brachialgies, lumbago, déplacement de vertèbre, hyperlordose, scoliose …), des périodes de crampes, de tremblements, de spasmes musculaires, de douleurs aux jambes m’empêchent de marcher, de dormir. La rééducation pendant la période de croissance de l’adolescence à tellement creusé ma voûte plantaire que j’ai des tendinites sous-plantaires (je viens d’avoir des semelles orthopédiques pour me soulager). Il m’arrive d’avoir des vertiges, des maux de tête “sourds” …. Je n’ai pas récupéré à 100% !!!

Tous ces maux sont invisibles pour les autres et pourtant ils existent. Je travaille en milieu ordinaire à temps plein et j’ai une famille comme tout le monde. Rien n’y paraît. En parler aux autres, c’est donner l’impression d’être hypocondriaque, y compris auprès des médecins qui ne font qu’essayer de résoudre symptôme par symptôme dans le meilleur des cas. Mais ils ne font plus le lien avec le Syndrome de Guillain-Barré, qui pour eux est résolu. Seulement il est là, présent, avec pour preuve mon dernier EMG, 10 ans après, qui était anormal. J’aimerais refaire un bilan neuro, mais mon généraliste n’en voit pas l’utilité actuellement.

Battez-vous contre ce virus, ce syndrome de Guillain-Barré

J’aimerais bénéficier de séances de massage et de cure pour essayer de me soulager mais qui va me les prescrire ? Ai-je vraiment eu un syndrome de Guillain-Barré standard ? Quelle évolution dois-je espérer ?

Mon message n’est pas forcément rassurant mais malgré tout je ne suis pas en fauteuil roulant. Je me suis construit, alors pour tous ceux atteints, battez-vous !