J’ai réussi à me mettre sur mes jambes et enfin sentir le sol. Ce fût un moment magique. Je reprenais des forces.

Je m’appelle Sarah et j’ai 19 ans. Le 26 octobre 2014, j’ai attrapé un virus. Pensant tout d’abord à une gastro, je suis allée voir mon généraliste qui m’a prescrit des anti-vomitifs. Au bout d’une semaine sans sommeil et sans manger, j’ai commencé à être extrêmement fatiguée. Mes jambes ne me soutenaient plus. J’avais un mal de tête permanent ainsi que des courbatures et des crampes. Chaque mouvement me pesait.

Sarah, 19 ans

Guillain-Barré à 19 ans (en 2014)

L’hypothèse du Guillain-Barré

J’ai donc pensé à une grosse grippe. Quand je suis retournée chez mon médecin, je ne tenais presque plus debout. Il m’a envoyé faire une prise de sang. Mais entre temps, mon visage a commencé à se paralyser du côté gauche. Nous nous sommes donc rendus aux urgences où on m’a envoyée directement au scanner pour éliminer l’hypothèse de l’AVC ou de la tumeur au cerveau. Ils ont ensuite éliminé la méningite et ont pris la décision de me faire une ponction lombaire (pas d’inquiétude ça ne fait pas si mal que ça). En attendant les résultats, j’ai été envoyée dans le service de neurologie.

Le lendemain, les médecins ont émis l’hypothèse du Guillain-Barré. Néanmoins, je possédais encore tous mes réflexes et je pouvais marcher un petit peu pour me rendre aux toilettes.

Je suis branchée de partout

Au bout d’une semaine, mes jambes ne bougeaient plus, le visage non plus. J’ai commencé à être très faible, incapable de me nourrir, car je ne pouvais ni mâcher, ni déglutir. On m’a donc posé une sonde gastrique. Ça a été un moments très difficile pour moi, en raison de cet acte très intrusif et désagréable qui m’a énormément angoissée. La première tentative a échoué. J’ai fait une crise d’angoisse persuadée que la sonde m’empêchait de respirer. Le lendemain après m’avoir donné des calmants, ils ont essayé une nouvelle fois. Cette fois-ci, tout s’est bien passé, plus de peur que de mal au final.

Malgré tout, les poches de nourriture ne me permettaient pas de reprendre des forces. Parler était fatiguant, même respirer. Je dormais très peu.

Au niveau des traitements, on a commencé les immunoglobulines qui ont été sans effet pour moi. La décision a été prise de m’envoyer en soin continu, dans cette chambre toute blanche et sans ouverture sur l’extérieur, branchée de partout. Cathéter, électrodes et capteur de saturation étaient de la partie. Je faisais des séances de VNI (ventilation non invasive), un masque qui permettait à mes poumons de s’ouvrir en grand pour éviter la stagnation de glaires qui pourraient m’empêcher de respirer.

J’ai également eu mon premier lavement, qui a été très douloureux mais qui m’a permis d’être soulagée après. Depuis que j’étais rentrée à l’hôpital, je n’avais toujours pas fait une nuit complète. J’étais tellement épuisée qu’ils ont décidé de m’administrer de la kétamine (un anesthésiant qui réduit la sensibilité à la douleur). J’ai donc eu des hallucinations, consciente que ce que je voyais n’était pas réel. Je voyais mon lit d’hôpital sur des rails, comme si j’étais dans un grand 8. Ensuite, je croyais être plate comme une pâte. C’était très effrayant mais ça m’a permis de me reposer un peu. Je pensais être sur la bonne voie, malheureusement j’ai commencé à avoir de plus en plus de mal à respirer.

Douleurs et hallucinations

Un soir, alors que je m’étouffais, ils ont pris la décision de m’intuber. Je me suis donc réveillée en réanimation sous respirateur, une sensation tellement étrange que de respirer à l’aide d’un corps étranger. J’entendais les voix autour de moi qui me demandaient de continuer à respirer, de ne surtout pas me rendormir. Mes parents me secouaient en pleurs me demandant de rester avec eux, et mon respirateur était en alerte . A bout de forces, j’ai sombré dans le sommeil, croyant que je ne me réveillerais pas et que c’était la fin.

En vérité je me suis réveillée quelques heures plus tard, les jours suivants sont confus dans mes souvenirs. Je me souviens de douleurs insupportables, d’hallucinations, d’autres lavements, la kiné respiratoire qui était très douloureuse.

La trachéotomie

Un nouveau traitement a été mis en place : la plasmaphérèse. On prélevait mon sang pour nettoyer mon plasma rempli d’anticorps qui détruisaient mes nerfs. Je pouvais encore me servir un peu de mes mains ce qui m’a permis d’écrire quelques mots pour pouvoir communiquer.

Le jour de l’extubation a été très difficile, j’avais l’impression d’avoir un énorme trou béant au milieu du visage et malgré tout de respirer seulement à travers une petite paille.

J’ai commencé à désaturer, ils ont donc pris la décision de pratiquer une trachéotomie. La trachéo a été pour moi plus un soulagement qu’un échec. L’intubation est vraiment trop douloureuse, les lèvres, le visage, les dents font mal, et chaque mouvement enfonce un peu plus le tube dans la gorge ce qui fait tousser et donc s’étouffer.

Les jours ont passé et j’ai commencé à pouvoir me reposer un peu. J’ai récupéré la moitié de mon visage mais mes doigts étaient de plus en plus raides et tordus.

Est arrivé le moment du sevrage respiratoire. On remplace le tube de la trachéo par un système qui permet d’envoyer de l’air sans gonfler les poumons, c’était donc à moi d’effectuer ce travail. J’étais énormément angoissée par cet acte, la peur constante de ne plus réussir à respirer. De plus, c’était un exercice très fatiguant pour moi. J’ai mis de nombreux jours avant de réussir à m’adapter à ce système. Mais une fois ceci réussi, dès le lendemain on m’a remplacé la trachéo par une canule. J’ai enfin pu parler après un mois de silence !

Des jours on extrêmement éprouvants

Quelques jours plus tard, ils ont décidé de m’envoyer de nouveau en neurologie, étant capable de respirer seule. On m’a également enlevé la sonde gastrique et la sonde urinaire. Ils pensaient que j’étais enfin en voie de guérison. Néanmoins, après quelques jours en neuro, j’ai de nouveau eu du mal à respirer. Je ne comprenais pas, les rechutes étant pratiquement impossibles. J’ai été envoyée de nouveau en réa en urgence. Mon trou de trachéo ne s’était pas encore refermé, ils ont donc pu me trachéotomiser directement.

Malheureusement pendant la pause du cathéter central et du cathéter de dialyse (pour les plasmaphérèses) mon poumon a été percé. On a donc du me poser un drain thoracique, ainsi que de nouveau la sonde gastrique et la sonde urinaire. Le drain était tellement douloureux qu’ils n’ont pas eu d’autres choix que de me mettre sous morphine (même si celle ci n’est pas recommandée en cas de problèmes respiratoires). Ces jours on été extrêmement éprouvants. A tel point que je tombais dans les pommes de douleur parfois. De plus, de nouveaux lavements ont été nécessaires, ce qui était pire que tout.

Le début de la rééducation

Après la reprise des plasmaphérèses, j’ai commencé à aller mieux. Pour Noël, j’ai pu avoir une canule parlante et enfin parler de nouveau avec ma famille. Mes progrès ont ensuite été spectaculaires.

Le 2 janvier, j’ai réussi à me mettre sur mes jambes et enfin sentir le sol. Ce fût un moment tellement magique. Je reprenais un peu des forces. On m’a ensuite enlevé les différentes sondes et le 9 Janvier je suis rentrée en centre de rééducation. Je ne voulais pas retourner en neurologie, j’étais traumatisée par mes deux anciens séjours.

De passer du service de réa à celui de la rééducation a été difficile. Voilà deux mois que j’étais en réa, avec des soins constants, beaucoup de repos et j’étais très attachée à l’équipe qui s’était aussi bien occupée de moi. Il faut en temps d’adaptation. En vérité, on croit que les patients sont heureux de quitter la réa, mais c’est plus compliqué que ça. C’est très effrayant de quitter les machines qui sont finalement rassurantes.

Est-ce un Guillain-Barré chronique ?

J’ai commencé à être très fatiguée, j’avais de plus en plus de mal à faire les exercices et j’avais de nouveaux de fortes douleurs neurologiques. J’ai donc de nouveau vu le neurologue qui m’a dit qu’il n’avait jamais vu ça mais que j’étais bel et bien de nouveau en rechute. Différentes questions se posaient alors : est-ce que mon Guillain-Barré était chronique ? Je serai donc malade à long terme ? A quelles séquelles pouvait-on s’attendre ?

On m’a dit que je retournerais peut etre en réa, que je ne remarcherais peut être plus jamais. On a donc repris les plasmaphérèses ainsi qu’un traitement à base de corticoïdes. Une fois de plus, les effets ont été spectaculaires, j’ai repris des forces très rapidement.

Dans le Guillain-Barré, moral et motivation sont essentiels

Au bout d’un mois, j’ai commencé à marcher entre les barres, puis avec le rollator, puis les béquilles pour, en mars, remarcher et rentrer enfin chez moi. On a ensuite essayé d’arrêter la plasmaphérèse et aucune rechute ne s’est produite. J’ai continué le centre de rééducation en externe pendant encore un mois.

A présent, je suis en kiné libérale, je fais 3 heures, quatre fois par semaine. Je suis en voie de guérison et je reprends peu à peu une vie normale. Je marche, je conduis, je sors, je vois des amis et les médecins pensent que je pourrai retourner en cours en septembre.

Même si cette maladie a été une épreuve difficile, j’essaie d’en tirer le positif. Je me suis rendue compte de la valeur des choses simples de la vie, que je savoure à présent à pleines dents. Je suis encore très fatigable et j’ai du mal à courir. J’ai récupéré les dix kilos que j’avais perdus. En revanche, malgré les leçons d’orthophonies, j’ai perdu un peu ma voix, qui est (et restera) plus faible et plus grave qu’avant.

Le plus important est le moral et la motivation. Dans le Guillain-Barré, l’esprit a une grande place. Si vous y croyez, vous allez vous en sortir.

J’ai à présent gagné en force et en maturité. Pour ma part, j’ai eu la chance d’être bien entourée par ma famille et mes proches. Leur soutien, leur attention, leur massages aussi m’ont énormément aidée. Si vous êtes face à quelqu’un qui a cette maladie, soyez présent, c’est le meilleur des cadeaux que vous puissiez faire au malade. Même s’il aura aussi surement le besoin de solitude à un moment donné.

Au niveau des traitements, les plasmaphérèses ont été les plus efficaces. J’en ai eu 25 en tout. J’ai eu un également des anti-dépresseurs qui ne faut pas hésiter à demander, ils m’ont beaucoup aidé.