Le Guillain-Barré, c’est quoi ? Une maladie où il est impossible de connaître à l’avance la durée et l’évolution. On ne sait pas où on va.
Le 28 novembre 2012 : mon mari, très fatigué, va chez le docteur. Après avoir fait une prise de sang, une mononucléose est diagnostiquée. Deux jours plus tard, des picotements au niveau des doigts apparaissent. Le vendredi 30 novembre, mon mari retourne chez le docteur : « C’est sûrement dû au stress (mon mari est un stressé de la vie), je vous prescris du magnésium ». Le soir même, mon mari commence à avoir des difficultés à marcher.
Céline témoigne pour son mari Christophe
Guillain-Barré à 36 ans (en 2012)
Il y a un problème, mais lequel ?
Samedi 1er décembre, 7 heures du mat, je suis avec notre fils de 17 mois (Baptiste) dans sa chambre quand j’entends un « boum ». Je monte, mon mari est par terre, ses jambes ne le soutiennent plus, impossible qu’il se relève seul.
Nous l’emmenons avec mon père aux urgences à côté de chez nous. Là, un « médecin » (ou plutôt un bon à rien) lui fait une prise de sang, lui prend la tension et fait un électrocardiogramme. La prise de sang confirme la mononucléose. Il lui tape sur le genou avec le marteau. « Il n’y a pas de problème neurologiques monsieur. » D’après lui, les fourmillements que ressent mon mari dans les jambes et les bras sont « peut-être » liés à l’antibiotique (dixit le médecin). Il estime qu’on peut rentrer chez nous.
Nous sortons des urgences, en fauteuil roulant car mon mari ne tient plus debout. Arrivé à la maison, mon père m’aide à le mettre dans le canapé mais dans la journée, les symptômes continuent de se développer. Le soir, on installe un matelas par terre dans le salon, mon mari n’arrive même plus tenir un verre pour boire. Dans la nuit, il ressent des picotements dans la langue et les lèvres et n’arrivent plus bouger ses jambes. A 6 heures, j’appelle l’ambulance, direction un autre hôpital à 15 km de chez nous,
Le Guillain-Barré, c’est quoi ?
Ce dimanche 2 décembre, après moins de 12 heures d’examen (ponction lombaire, prise de sang, électrocardiogramme, etc), le verdict tombe : problème neurologique, syndrome Guillain-Barré sévère. Au passage, mon mari essaye de faire de l’humour en leur disant : « Ah ben ça va, ce n’est pas aujourd’hui que je vais mourir. » Réponse du docteur : « Ah ben ça monsieur, on ne sait pas ! » Au passage, elle lui dit qu’il aurait fallu venir plus tôt. C’est bien ce qu’on a fait la veille mais quand on tombe sur un incompétent, que faire ?
Mais un Guillain-Barré, c’est quoi ? Le docteur nous explique que ce syndrome est une atteinte des nerfs qui survient souvent après une infection et qui entraine une paralysie progressive. Un traitement adapté doit être rapidement administré pour limiter les lésions des nerfs.
Ni délais, ni informations précises : c’est l’angoisse totale
Mardi 4 décembre, Christophe est placé en réa. J’appelle le lendemain matin du boulot pour savoir comment va mon mari, et là on me dit : « On l’a intubé cette nuit car trop de difficultés à respirer et déglutir ». La panique me gagne, j’ai vraiment très peur pour mon mari !
Après 5 jours d’immunoglobulines, son état ne cesse d’empirer : tétraplégie, douleurs partout, début de paralysie faciale, vue trouble, problème pour fermer les yeux… On est toujours dans la phase d’ascension de la maladie. Mon mari enchaîne avec 4 plasmaphérèses, mais rien ne se passe. Sonde urinaire, sonde gastrique, perf, aspiration bronchique, gaz du sang, le quotidien de mon mari est juste atroce. Et pour lui et pour nous car on le voit souffrir.
Mi décembre, la doctoresse demande à me voir, nouveau choc : « Vous savez, on va devoir faire une trachéotomie à votre mari, car il a besoin d’assistance respiratoire encore un moment, il a une forme sévère du Guillain-Barré, on ne sait pas combien de temps le pic va encore durer. Il y aura ensuite la phase plateau et la rééducation mais on ne sait pas combien de temps dureront chaque période. Des semaines ou des mois, avec des séquelles possibles ou pas de séquelles on ne sait pas ! ». Et là je m’effondre dans son bureau, car je pense surtout à notre fils de 17 mois qui va être privé de son papa pendant des mois. C’est vraiment très dur à gérer de ne pas avoir de délais, ni d’informations précises !
Lundi 17 décembre : la trachéo remplace l’intubation, on peut communiquer un petit peu mieux, je dois lire sur ses lèvres. Il ne peut rien bouger hormis les yeux et les lèvres et ne supporte pas qu’on le touche, comme si sa peau était à vif. Le médecin m’explique que c’est l’absence de myéline autour du nerf qui entraine une hypersensibilité au toucher. L’équipe de soins palliatifs ne cesse d’ailleurs de venir pour réadapter les traitements afin de soulager les douleurs, mais même avec le dosage maximal, les douleurs sont là.
Réapprendre à boire et à manger
Mardi 25 décembre : le sevrage du respirateur commence. 3h30 de respiration avec uniquement un peu d’oxygène, le lendemain c’est 6h30. J’ai le droit d’emmener Baptiste voir son père 5 minutes. Les douleurs sont moins importantes, on plie d’ailleurs régulièrement les jambes de Christophe et on lui masse les pieds afin de le soulager.
Jeudi 27 décembre : première eau gélifiée, pas de fausse route. Par contre, trop fatigué et trop de douleur pour l’oxygène.
Vendredi 28 décembre : changement de canule de la trachéo, première fois en fauteuil, 3 heures sans le respirateur (uniquement un faible apport en oxygène).
Mercredi 2 janvier : premier petit suisse, pas de problème, le lendemain, flan au chocolat (environ 60g) sans problème. Christophe arrive à boire des boissons gazeuses en faible quantité sans s’étouffer. Par contre, le respirateur ne l’a pas quitté de la journée. Le taux d’oxygène est d’ailleurs à nouveau à 50 %, ça me stresse. Pourquoi est-ce en dents de scie !
Samedi 12 janvier : Christophe arrive à boire de l’eau plate sans fausse route, il a bu aujourd’hui 2 boissons hyper protéinées, et mangé la moitié d’un Gervita. Il commence à bouger un peu plus les bras et arrive par moment à bouger deux doigts de la main gauche. Par contre pas de nouvel essai d’oxygène, Christophe a besoin du respirateur (32 % d’oxygène). Notre fils le voit et lui fait des câlins sur la main. Christophe est trop content.
La récupération, petit à petit
Vendredi 24 janvier : Christophe boit 2 à 3 boissons hyper protéinées par jour, prend 2 repas par jour (petites quantités). Cela fait deux jours de suite que la kiné l’assoit sur le bord du lit pour voir son équilibre. Aujourd’hui, il a tenu 10 minutes. Deuxième jour que l’ergothérapeute vient, il empile des cônes, fait des vagues sur un tableau avec un gros feutre. Niveau respiration, cela fait 48 heures que Christophe respire l’air ambiant comme nous (à voir s’il a encore besoin du respirateur ou pas).
Christophe bouge de mieux en mieux les bras, il arrive prendre son gobelet à deux mains et boire seul, à condition que le gobelet ne soit pas rempli en entier (trop lourd). La récupération des jambes commencent à se faire, plus longue que pour les membres supérieurs. Christophe arrive de nouveau à fermer l’œil gauche.
Mardi 29 janvier : Christophe sort de réanimation pour intégrer le service de surveillance continue. La kiné l’assoit au bord du lit pour lui faire travailler son équilibre. Il n’a plus besoin d’oxygène pour l’aider à respirer.
Dimanche 2 février : Christophe arrive à plier les jambes.
Lundi 18 février : transfert de Christophe en rééducation au sein de l’hôpital. La canule de la trachéotomie a été retirée deux jours avant, un grand pas pour nous ! La doctoresse vient l’examiner, nous demande où l’on habite, s’il y a des étages dans la maison. Quand je lui dis « 2 étages », elle nous demande si on a pensé à déménager. Mon mari lui dit que de toute façon, il remarchera et que c’est hors de question qu’on déménage.
Un retour (presque) à la normale après le Guillain-Barré
Mi-mars : Christophe fait ses premiers pas avec un déambulateur, je revis, comme toute la famille. Il est autorisé à rentrer le samedi 16 mars pour la journée, il rentre ensuite les deux week-ends suivants.
Vendredi 5 avril 2013 : après 4 mois d’hôpital, Christophe sort définitivement de l’hôpital ! Le bonheur total de retrouver son mari à la maison. Il marche en béquilles.
J’ai dû bien sûr trouver moi-même un kiné car l’hôpital n’a fait aucune démarche pour nous. J’ai dû également faire les démarches pour que mon mari soit en ALD (Affection Longue Durée). Nous avons trouvé un kiné ayant un Huber 360 et une piscine, ce qui permet de bien travailler l’équilibre.
Il a fait des séances de kiné 3 fois par semaine jusque fin août, puis 2 fois par semaine en septembre et octobre. Depuis début novembre, il n’y va plus que 1 fois par semaine et arrête les séances fin novembre.
Les progrès de Christophe continuent après 1 an de maladie. Il a retrouvé son poids d’avant, et même quelques kilos de plus (il était passé de 73kg à 56kg et pèse aujourd’hui 76kg). Il a encore une grande fatigue, une légère paralysie faciale droite et voit trouble de l’œil droit, surtout en fin de journée, et les releveurs des pieds qui ne fonctionnent toujours pas à 100 % même si la récupération continue.
Christophe a repris le travail à mi-temps début octobre, s’occupe de Baptiste comme avant. Il refait du VTT depuis cet été, et espère reprendre le vélo de route au plus vite. Il prend toujours des médicaments pour les douleurs neurologiques.
Et l’entourage dans tout ça ?
Au début, on n’imagine même pas un problème neurologique. Quand j’ai rencontré le 4 décembre le chef de service de réa, son diagnostic était sombre : « Vous savez votre mari a un Guillain-Barré sévère, on tend le dos, on ne sait pas combien de temps il mettra en s’en remettre, il est possible qu’il y ait des séquelles, mais on ne sait pas lesquelles. Il y a 10 cas par an à l’hôpital, on connaît la maladie. Sur 10 cas, il y en a 2 graves par an et votre mari en fait partie ! » Je ne connaissais pas cette maladie, mon entourage non plus. Quand on cherche sur Internet « Un Guillain-Barré, c’est quoi ? » pour se renseigner, le descriptif fait très peur.
Le plus difficile dans le Guillain-Barré, c’est de ne pas savoir. Il est impossible de connaître à l’avance la durée de la maladie et son évolution. C’est ça le plus dur : ne pas savoir où on va, garder le moral pour son mari, les enfants, les beaux-parents et pour soi. Ça fait beaucoup de choses à gérer !
Le soutien des proches pour le malade est primordial. Hasard ou pas, mon mari a commencé la phase de récupération après avoir vu ses enfants à Noël. Je suis persuadée que le mental influe la guérison du Guillain-Barré. Il faut surtout garder courage et espoir, même si ça semble long.
J’ai eu la chance d’avoir un employeur très compréhensif, j’ai adapté mon temps de travail pour pouvoir passer tous mes après-midi à l’hôpital avec mon mari. Mes parents allaient chaque jour récupérer mon fils à la crèche et le gardaient jusqu’à mon retour vers 19 heures. La famille et les amis ont également été d’une grande aide pour garder Baptiste les samedis et dimanches après-midi.
J’ai également lu le livre « Le Syndrome du Bocal », qui aide vraiment à comprendre les douleurs et la maladie. Il apporte du réconfort.
La maladie a tout de même apporté quelques choses de positif à mon mari (si l’on peut dire ainsi). Depuis qu’il a eu ce Guillain-Barré, il est moins nerveux, moins stressé pour rien et on profite plus de la vie. On essaye de faire plus de sorties et il passe plus de temps avec notre fils.
Les médecins sont surpris de la rapidité de sa récupération. Je pense que Christophe a récupéré au-delà de leurs espérances.