Le Guillain-Barré m’a paralysé tout entier. Mes paupières sont maintenant mon seul et unique moyen de communiquer.

Mon histoire avec le Guillain-Barré a commencé ce mardi 15 juin 2010, au petit déjeuner, au moment de boire mon café matinal. J’ai éprouvé ce matin-là de grosses difficultés à déglutir et je n’ai réussi à boire que quelques gorgées sans manger quoi que soit. Mettant ça sur le compte d’une angine ou autre, je suis parti travailler normalement. Pendant la matinée et durant mon rendez-vous chez un client, il m’a été impossible d’avaler ne serait-ce que ma propre salive, m’obligeant à cracher dans un mouchoir.

Stéphane, 41 ans

Guillain-Barré à 40 ans (en 2010)

Des symptômes plutôt atypiques

En fin de rendez-vous, j’ai repris le chemin du bureau, toutefois inquiet de ne rien sentir au niveau de ma gorge. J’ai appelé ma femme pour lui en parler et c’est sur ses conseils que j’ai décidé de me dérouter vers les urgences de Sallanches. En effet, mon médecin traitant ne pouvait pas me voir de suite, malgré mes symptômes plutôt atypiques.

Il est 17 heures, ce maudit 15 juin. Aux urgences, après plusieurs interlocuteurs, je discute avec le médecin de garde et décision est prise de me garder pour analyses complémentaires. On me prélève du sang, on me demande ce que j’ai fait ces jours derniers, si j’ai été vacciné, si j’ai eu des infections, des problèmes intestinaux ou autres. Oui, j’ai eu quelques diarrhées persistantes, c’est tout. Les questions se répètent et je comprends qu’on cherche à confirmer un diagnostic, mais celui-ci n’a pas l’air évident.

Après une gastroscopie normale, je me vois prescrire un scanner en urgence. Et là, je commence à m’inquiéter parce que je vois bien qu’on redoute un AVC. Ma famille arrive à ce moment-là et le médecin demande à ce qu’on prenne mes affaires. L’inquiétude grandit et mes quelques mots de réconfort ne suffisent pas à rassurer ma femme, venue avec les enfants (10, 7 et 5 ans).

Une infection qui touche le système neurologique

J’éprouve alors des difficultés à me lever. Le scanner ne révèle rien d’anormal et c’est un grand soulagement pour moi. Le docteur décide une ponction lombaire : elle me dit supposer une infection pouvant toucher le système neurologique, et elle a déjà une idée en tête. Les résultats confirment. Une élévation anormale de protéine est décelée dans le liquide céphalo-rachidien.

Je suis alors envoyé en service de réanimation sans tarder, et là, je change de monde. Accueil à deux médecins, deux infirmières, une aide soignante : on me place dans une chambre de soins intensifs, on me branche très vite de partout et le chef de service m’explique très clairement que le diagnostic est certainement un syndrome de Guillain-Barré. Il me dit que çà va être long. « Long comment ? » dis-je . Très long.

Mon état se dégrade à cause du Guillain-Barré

La nuit est une horreur parce que je ne dors pas, j’éprouve maintenant des difficultés à bouger et les appareils de surveillance m’angoissent. Mais l’inquiétude s’amplifie, car les infirmières passent me voir quasiment toutes les 30 minutes.

C’est alors que commence la véritable angoisse. Le matin, je n’arrive quasiment plus à marcher et je vais me doucher en me dandinant, sans savoir que c’est ma dernière douche autonome avant les 5 prochains mois.

Ensuite, les évènements s’enchaînent assez rapidement. On pratique un EMG chez le neurologue dans des conditions épiques (demandez à ma femme !) parce que je respire difficilement et ma gorge est toujours encombrée. On m’intube après trois jours, mon état se dégrade très rapidement et je sais alors que je pars pour un drôle de voyage. Car on m’a bien expliqué ce qui allait se passer.

En une semaine, je me retrouve complètement paralysé, avec une trachéotomie donc plus de parole. Plus rien ne bouge à part les paupières, qui sont maintenant mon seul et unique moyen de communiquer. On veut même me scotcher les yeux la nuit pour éviter une conjonctivite, car je les ferme difficilement. Et là je dis non ! Personne ne me contredit, car je dis rarement non.

Il faudra tout réapprendre

Je fais une parenthèse dans mon récit pour dire à la famille de celles et ceux qui sont touchés par cette maladie que le soutien des proches est fondamental dans cette épreuve, que la visite des enfants, malgré des conditions exceptionnelles, nous oblige à ne pas lâcher prise, que le mental est primordial et qu’il faut sans cesse se battre. La fatalité a frappé, çà c’est insupportable. Autant pour la famille, sinon plus même.

Il faut absolument cesser le plus rapidement possible de se poser la question pourquoi moi, pourquoi lui, pourquoi elle : il n’y a pas de réponse. Et pire, tenter d’y répondre c’est devenir fou. J’ai personnellement mis 10 jours pour me dire : « OK t’es dans un lit, cloué, mais tu vas guérir, tu vas retourner en montagne (j’avais vue sur le Mont-Blanc) et tu vas revivre ta vie comme avant. » Sauf qu’il faut oublier le facteur temps. Il faudra tout réapprendre, pas à pas, au gré des petits progrès quotidiens.

Les signes de rémission et les bonnes idées

On est maintenant début juillet, les premiers signes de rémission sont là et malgré tout, c’est le début de l’espoir. Oh le premier signe, car tout est à zéro, c’est l’orteil gauche qui fléchit un peu. Alors on en profite (une idée de ma femme) pour me scotcher une sonnette à cet endroit. Et Voilà maintenant que je peux appeler quelqu’un. Le grand bonheur !

Ensuite c’est mon fils ainé qui a l’idée de réaliser un tableau avec des dessins pour pouvoir communiquer : les parties du corps, les sensations chaud-froid-douleur, l’environnement de la chambre lit-volets-télévision-musique, complété par la suite avec un tableau alphabétique. Un peu long mais tellement efficace ! Car maintenant je ne subis plus. Enfin moins qu’avant, car ce n’est pas encore la grande vie.

Effets pervers du Guillain-Barré et petits bonheurs

Les difficultés majeures qui s’ensuivent sont des complications multiples : infections urinaires, pulmonaires (deux infections, une atélectasie persistante) et les insupportables aspirations bronchiques, toutes les complications liées à l’immobilité, et les effets pervers du Guillain-Barré : chutes de tension, hypoxie, apnées, brachycardie (39 bpm au repos, un record !).

Les petits bonheurs sont les douches au lit (merci Véro et Annie), les massages plantaires (merci Stéphanie et ma femme), les séances de kiné et de parlotte (merci les deux Julie), ma canule de phonation (merci Dom), les visites des proches, ma première station debout (merci Dom), mes sorties en fauteuil sur le parvis (merci papa). Le soutien de l’équipe soignante de la réa est réellement un profond moteur de motivation, je dirais même une thérapie à part entière.

J’ai pleuré… de joie

Le plus beau souvenir de réa est ce matin de fin août ou le docteur Bernard B. m’a annoncé qu’on m’enlevait la trach’, là, dans le quart d’heure suivant. J’ai su que le cauchemar se terminait car j’avais jalonné cette étape comme le début de mon autre vie. J’ai pleuré, comme à peu près une dizaine de fois cet été. Mais cette fois, c’était de la joie.

Après 84 jours et 84 nuits en réa (dont 68 en assistance ventilatoire) je suis monté en centre de rééducation à Sancellemoz (prononcer « sans sel »). Beaucoup de séances de kiné, de piscine, d’orthophonie, mais aussi d’ergothérapie. Là, j’ai réappris à marcher sans déambulateur, à me lever du lit, à respirer, à manger, à boire, à enfiler une chaussette, à parler, à tomber, à me laver… Bref, trois mois sans répit pour rentrer à la maison à Noël. Il est pas beau le cadeau ?

Le retour à la maison n’est pourtant pas sans peine car l’autonomie est limitée dans un premier temps. Mais rien n’égale le bonheur des proches à vous savoir à leurs côtés.

Le Guillain-Barré laisse des séquelles psychologiques

J’ai depuis deux mois repris le travail à mi temps thérapeutique. Je tiens d’ailleurs à remercier mon employeur et mes collègues qui m’ont soutenu dans cette épreuve.

14 mois après mon Guillain-Barré, j’ai retrouvé une autonomie et une mobilité très correctes, il me manque encore de la force et du tonus musculaire. Je fatigue assez vite aussi. Mais notre vie familiale est redevenue normale même si les séquelles psychologiques seront difficiles à effacer.

Je continue à travailler en kiné 4 fois par semaine depuis 8 mois, car les progrès sont toujours là.

Le message que je peux faire passer est simple : ne pas redouter ni douter, accepter cette maladie de Guillain-Barré, et puis se battre parce que la vie vous rendra tout ce dont elle vous a momentanément privé… Mais en plus fort.

Je dédie ce témoignage sur mon Guillain-Barré à ma femme.