Guillain-Barré et grossesse : c’est ce que j’ai vécu. J’ai du accepter cette incapacité à être autonome et me battre pour le bébé que je portais.

Anne-Sophie, 31 ans

Guillain-Barré à 31 ans (en 2008)

Nous sommes le 8 septembre 2008. J’ai 31 ans, je suis enceinte de 3 mois et je sais qu’à partir de maintenant, la vie de mon bébé est en jeu. J’ai bien conscience des risques liés à l’amniocentèse et de la décision que nous devrions prendre si les résultats étaient mauvais. J’ai le ventre noué et mes jambes ne me portent plus.

Des sensations étranges

L’amniocentèse se déroule bien. Je respecte les consignes, je m’allonge une demi-heure. Mon ventre me tire mais on me rassure, tout cela semble normal. Après l’injection de Rophylac en intraveineuse avant de partir (je suis Rhésus négatif ), nous rentrons à la maison où je vais rester allongée toute la fin de la journée.

Le médecin qui m’a fait l’amniocentèse m’a fait un arrêt de travail de 10 jours. Je ne reprendrai donc le travail que le 18 septembre. J’appréhende un peu ces 10 jours d’inactivité mais ma mère passera beaucoup d’après-midi avec moi.

Dés la fin de la semaine, je me rends bien compte que quelque chose cloche, les sensations que je perçois au niveau des jambes sont étranges. J’ai des fourmis dans le bout des doigts et aux orteils. L’eau froide qui coule sur mes mains me semble glaciale.

Je m’affole pas. Pas encore.

Le week-end arrive, je décide de sortir un peu. Je commence alors à percevoir les premières difficultés à descendre et à monter les escaliers. Je m’agrippe à la rampe en me disant qu’il s’agit sûrement d’un problème de circulation sanguine. Après une semaine allongée, cela me paraît plausible.

Je ne m’affole pas. Pas encore.

La nuit du dimanche au lundi, je ne dors pas. J’ai du mal à supporter le drap sur mes pieds et je ressens de l’impatience dans mes jambes.

Lundi matin, n’en pouvant plus de stresser, j’appelle la maternité qui m’a fait l’amniocentèse : on me dit que mon état n’a absolument rien à voir avec l’examen pratiqué une semaine plus tôt. Je file donc chez mon généraliste qui après m’avoir ausculté me prescrit un traitement homéopathique pour la circulation du sang. Il me précise tout de même de revenir le voir mercredi si je ne vais pas mieux.

Les heures défilent et mon état se dégrade doucement.

Un problème neurologique ?

Mercredi matin, mon généraliste me prescrit un doppler et me prend rendez-vous chez un neurologue pour le jeudi après-midi. Il me dit alors clairement qu’il pense à un problème neurologique : une poussée de sclérose en plaques. Mon seul soucis alors, c’est le bébé que je porte en moi depuis 3 mois et demi : il me rassure, une sclérose en plaques n’a jamais empêché une femme d’enfanter. Soit.

Le doppler est ok. Reste plus qu’à attendre le rendez-vous chez le neurologue. Je commence sérieusement à stresser…

Le jeudi matin, au réveil, j’ai de drôles de sensations au niveau du coté gauche du visage, je sens bien qu’il se paralyse. J’essaie de me persuader que ce n’est pas grave mais je n’y arrive plus. Mon conjoint est en déplacement, je suis donc chez mes parents depuis 2 jours et je vois bien dans leur regard leur inquiétude.

C’est un syndrome de Guillain-Barré

Après m’avoir fait un -épouvantable- électromyogramme, le neurologue pose sans hésiter son diagnostic : il s’agit du Syndrome de Guillain-Barré et je dois rentrer à l’hôpital en urgence pour avoir au plus vite le traitement ad hoc.

Il est 20 heures ce jeudi 18 septembre 2008 quand je suis admise aux urgences de l’hôpital St Joseph à Marseille. Pour moi, c’est alors un véritable soulagement, car je suis épuisée.

Le lendemain matin, la chef du service neurologie vient me faire une ponction lombaire afin de confirmer le diagnostic de la veille. Dans l’après-midi débute le traitement par perfusion d’immunoglobulines qui va durer 5 jours. Pendant tout ce temps, ma tension varie entre 8.9 et 15.8, je suis très fatiguée mais je n’ai pas de fièvre.

On m’a bien expliqué ce qu’était le Syndrome de Guillain-Barré et les risques encourus. A la question “peut-on en mourir ?”, la neurologue me répondra : “On fera tout pour éviter cela”. Elle m’a également expliqué les enjeux de la déglutition… Je suis donc morte de trouille et guette les avancées de la paralysie.

Et puis, il y a cette incapacité à être autonome qui est très difficile à accepter même si je sais que je n’ai pas le choix. On me fait ma toilette, on m’apporte le bassin au lit, on me ferme les yeux avec du sparadrap la nuit (la paralysie faciale m’empêche de fermer les paupières).

15 jours en neurologie

Je vais rester 15 jours à l’hôpital, au service neurologie. Une kiné passera tous les jours pour me faire faire quelques exercices dans le lit, puis quelques pas difficiles avec un déambulateur. J’aurais également des visites régulières d’un orthophoniste qui m’aidera à articuler et surtout à fermer ma bouche.

Au terme de ce séjour, la paralysie s’est stabilisée : je parviens difficilement à bouger mes jambes et mes bras. Mon visage est entièrement figé mais je me fais comprendre, des troubles sensoriels ont atteint mes jambes et mes pieds, ainsi que mes mains et mes avant bras.

Et puis, le cœur de mon bébé bat, c’est le plus important pour moi. Je commence même à le sentir bouger.

Avant de quitter l’hôpital, le chef de service vient me donner quelques informations concernant l’origine du Guillain-Barré : il semble qu’il se soit développé suite à une séroconversion au cytomégalovirus (CMV). On m’explique rapidement que ce virus, complètement bénin est « juste » très dangereux en cas de grossesse car il peut provoquer de graves malformations sur le fœtus et donc conduire à une interruption médicale de grossesse. Commence alors une longue période d’angoisse…

Une épée de Damoclès insupportable

Je suis transférée le 3 octobre dans une clinique de rééducation au sud de Marseille. Je vais y rester 2 mois et demi.

Je suis suivie alors par une femme médecin absolument géniale qui va rapidement démonter ciel et terre pour savoir ce qu’il va advenir de ma grossesse. Très vite, elle me déniche des rendez-vous avec des spécialistes qui me suivront jusqu’au bout.

Ces derniers nous rassurent : le risque de malformation est de 30% et est décelable dans tous les cas aux échos. Nous prenons donc rapidement, le parti d’investir cette grossesse et de donner tout notre amour à ce bébé qui commence à se faire sentir. Et ce, quelle que soit l’issue… Il n’empêche que cette épée de Damoclès toutes les 3 semaines (échographies) est insupportable.

Je commence à être autonome

Parallèlement à tout ça, ma rééducation avance. Au programme : 2 heures de kiné le matin, entrecoupées par une heure d’ergothérapie, puis 1 heure de piscine l’après-midi. Au bout d’un mois de rééducation, je suis enfin autonome pour faire ma toilette. Je me déplace toujours en chaise roulante mais je commence à marcher avec la kiné, en la tenant par la main. J’ai aussi enfin le droit de sortir le week-end, mais cela reste très difficile moralement : voir les autres vivre normalement m’est insupportable.

Et puis, dés lors que je commence à récupérer, je commence à avoir peur de rechuter. Je me teste sans cesse et vis dans l’angoisse permanente de perdre ce que je gagne. Cette peur de régresser ne me quittera que très tard (je reverrai le neurologue fin décembre pour un contrôle). Heureusement, je suis suivie par une psychologue qui me rassure, me donne les bons conseils et m’écoute patiemment !

Les jambes récupèrent plus vite que les mains. Il me faudra attendre 3 mois de rééducation en ergothérapie pour parvenir à ouvrir une bouteille d’eau capsulée. C’est le plus démoralisant : accrocher des épingles à linge pendant des semaines (en ergo), ne pas parvenir à faire ses lacets, à mettre ses chaussettes…

Rééducation du Guillain-Barré et grossesse

Au bout de 2 mois, je marche enfin seule mais cela me demande tout de même une concentration importante (je sens très mal mes pieds).

Quand je sors de la clinique de rééducation le 12 décembre 2008, je marche naturellement et suis autonome chez moi. Je pars tout de même avec une ordonnance de 30 séances de kiné à domicile (travail sur la sensibilité que je récupère très doucement) ainsi que 30 séances de kiné en cabinet pour travailler l’endurance (vélo, stepper, etc.).

Mon ventre est bien rond même si je n’ai finalement pris que très peu de kilos pendant le 1er semestre de ma grossesse. Il me reste désormais 3 mois pour vivre pleinement cette grossesse et montrer mon gros ventre au monde entier ! Les échos sont toujours bonnes, je commence les cours de préparation à l’accouchement, je conduis, je fais mes -petites- courses… Bref, la vie a repris malgré tout et je suis heureuse.

Le 9 février, la dernière écho montre un bébé en pleine forme et nous sortons pour la première fois de la maternité sur un petit nuage.

Son cœur s’est sans doute fatigué à livrer tant d’amour

Moins d’une semaine après, à 10 jours du terme, le cœur de notre petit ange s’est arrêté de battre.

Elle m’avait donné la force d’y croire et de me battre quand j’entamais ma rééducation. Elle était ma lueur au bout du chemin, mon combat et ma force. Ces petits coups de pieds me disaient “avance”, “ne lâche pas”… alors j’avançais pour elle, pour être certaine d’être capable de m’en occuper dés la fin février. Son cœur s’est sans doute fatigué à livrer tant d’amour… Et moi, je n’ai pas eu le temps de lui dire merci….

Merci aussi à l’équipe du service neurologie de St Joseph toujours souriante, au médecin de la Clinique de rééducation, qui a su me transmettre toute l’énergie dont j’avais besoin et le réconfort aussi, aux médecins de la maternité toujours disponibles, à ma famille toujours présente et confiante et à mon conjoint sans qui je ne suis plus rien.

Près de 6 mois après mon hospitalisation en urgence, j’ai quasiment tout récupéré. Restent quelques petits soucis de sensibilité aux niveaux des orteils mais qui ne m’empêchent nullement de mener une vie normale.

Un an plus tard…

Je vous ai envoyé mon témoignage il y a un an. Il me semble important d’y apporter aujourd’hui une fin positive.

Je viens d’avoir 33 ans. Plus aucune trace du syndrome de Guillain-Barré et un bébé en pleine forme depuis 3 mois. Il s’appelle Arthur, il est magnifique. La roue tourne, il ne faut jamais se décourager et toujours y croire, même si c’est difficile.

Lorsque j’étais dans mon lit d’hôpital, il y a deux ans pile, et que ce foutu SGB grignotait sur mon autonomie, j’avais lu un article sur une fille de mon âge qui avait vaincu sa leucémie. Elle y parlait de choses banales, de son fiancé, de son appart, de comment elle avait réussi, elle, à y croire et de sa “nouvelle” vie. Je me souviens avoir lu et relu cet article. Il était donc possible de se sortir des pires situations et d’être léger.

Et bien voilà, aujourd’hui, je voudrais que mon témoignage donne espoir à tous ceux qui se battent contre ce foutu syndrome. Il y a deux ans, je ne pouvais quasiment plus parler ni bouger mes jambes et mes bras. Aujourd’hui je suis là, je regarde mon petit Arthur qui me sourit et même si je sais désormais la fragilité de la vie, je la trouve belle, la vie.