Ils pensent que ma guérison du Guillain-Barré va être rapide. Mais même les chênes les plus solides ne sont pas à l’abri de la foudre.

Je suis en voie de guérison après un Guillain-Barré. J’ai été atteinte par une forme très grave de cette polyradiculonévrite et j’ai retrouvé une vie presque normale. Je voudrais que mon témoignage soit un message d’espoir pour ceux, malades et parents, qui sont confrontés à cette maladie.

Monique, 68 ans

Guillain Barré à 66 ans (en 2004)

Une attaque foudroyante

La vie me souriait. J’ai une famille formidable. Je suis de constitution robuste, dynamique, énergique. J’étais très impliquée dans la vie associative. Je me préparais à partir avec mon mari pour un long voyage en Inde et tout a basculé ce mercredi 27 octobre 2004.

Ce jour là, en me réveillant, je ressens des picotements dans les pieds. Notre médecin de famille n’y voit rien d’anormal. « Rien de bien grave ! » me dit-il. Toute la journée, je vaque normalement à mes occupations habituelles. Le soir à 21h 15, je m’effondre. Je suis incapable de me relever, de marcher. Appel au Samu, transfert aux urgences puis au service neurologie de l’hôpital Gui de Chauliac à Montpellier.

La paralysie gagne rapidement des pieds vers le haut du corps. Le lendemain, au milieu de la nuit, l’hôpital appelle mon mari. Mon mari et mon fils aîné arrivent aussitôt. Le médecin leur explique. « La paralysie peut à tout moment gagner le système respiratoire et votre femme devra être placée sous assistance respiratoire ». Ils entendent parler pour la première fois du Guillain-Barré. «Qu’est-ce que ce truc là ?» pensent-ils. Ils repartent cependant plutôt rassurés car le médecin leur a dit que c’était une maladie à durée très variable, de quelques semaines à plusieurs mois. Ils me savent robuste et ils sont persuadés que, dans mon cas, la maladie ne peut être que courte. Mais nous allons vite nous apercevoir que même les chênes les plus solides ne sont pas à l’abri de la foudre.

Une demi heure après leur départ, je suis placée sous assistance respiratoire. J’y resterai près de cinq mois au total. A partir de là, je ne me souviens plus de rien. Un trou noir de deux mois dans mes souvenirs. Ce que je sais de cette période, c’est mon mari et mes enfants qui me l’ont raconté.

Le service réanimation et assistance respiratoire

C’est dans ce service qu’on regroupe les gros malades dont l’état nécessite une surveillance de tous les instants. Les visites sont très limitées. Il faut revêtir une blouse blanche et des gants blancs. Ma chambre est impressionnante. Elle ressemble à un cockpit d’avion. Partout des écrans, des voyants, des alarmes, des machines dont nous apprendrons au cours du temps le nom et la fonction. J’ai été plongée dans un coma artificiel. J’ai un gros tube dans la bouche qui m’amène de l’air et de l’oxygène, un autre dans le nez qui m’apporte la nourriture, des poches de perfusion qui me distillent différents produits, des capteurs un peu partout qui mesurent quantité de paramètres, une sonde et une poche urinaire. Je gis dans mon lit inconsciente et inerte. On m’a administré des immunoglobulines qui en quelques jours ont arrêté la progression de la maladie mais il reste à réparer les dégâts qu’elle a causés. Les médecins m’ont également administré de la cortisone à très forte dose qui donne des résultats dans certains cas mais qui ne donne rien dans le mien.

La guérison de ce Guillain-Barré peu ordinaire est incertaine

Je reste ainsi une semaine puis je sors progressivement du coma artificiel. Les neurologues interviennent pour jauger l’état de mes nerfs et apprécier mes chances de guérison. Ils me soumettent à toute une batterie de tests. Leur diagnostic tombe implacable. Les nerfs sont gravement touchés. Ce n’est pas un Guillain-Barré ordinaire mais une forme beaucoup plus grave. Dans le Guillain-Barré ordinaire, la gaine extérieure du nerf est seule atteinte. Dans mon cas, l’attaque va bien au-delà, jusqu’à la partie centrale du nerf. Pour beaucoup de médecins, je risque de rester tout le restant de ma vie dans cet état d’impotence. D’autres me laissent une petite lueur d’espoir et disent seulement que la maladie sera très longue.

Dans mon état d’hébétude, je n’ai pas conscience de ce revirement mais pour mon mari et les miens, c’est cauchemardesque. Notre éducation de protestant cévenol ne nous porte pas à extérioriser nos peines. Nous savons aussi qu’aux cotés de l’équipe médicale, il y a quelqu’un de Tout Puissant qui veille sur nous et qui nous aide à vaincre la maladie. Cette certitude nous aide à traverser cette terrible épreuve et jamais aucun de nous ne désespérera de l’avenir, ni mon mari, ni nos enfants, ni moi !

Que vais-je devenir ?

Je gis sur mon lit, complètement inerte, complètement insensible, incapable du moindre mouvement, incapable de parler, incapable d’appeler à l’aide mais parfaitement consciente. Je peux cependant faire un très léger signe de tête et répondre ainsi par oui ou par non aux questions que l’on me pose. Je suis dans le même état que ce malheureux Vincent Humbert qui a tant défrayé la chronique. C’est dramatique de se savoir à la merci des évènements sans possibilité de réaction. C’est alors que l’on a besoin d’être entouré, d’être soutenu. Mais dans ce service de grands malades, les visites sont limitées à la proche famille.

Mon mari et mon fils aîné viennent me voir tous les jours. Mes deux autres fils, qui n’habitent pas Montpellier, viennent aussi très souvent. Ils me transmettent les très nombreux messages de soutien de nos parents et amis. Quand ils arrivent, après m’avoir embrassée, leur premier geste est de me pincer fortement le bras ou la cuisse pour voir si je réagis. Hélas, je ne réagis pas, je suis totalement insensible.

Mon mari me parle de ce qui se passe dans notre famille et dans le monde. C’est l’époque où les Français sont chassés de Côte d’Ivoire. Nous avons vécu des jours merveilleux dans ce pays où nous comptons de nombreux amis africains. Mon mari les évoque pour moi. « Te souviens-tu de Dao, d’Augustin, d’Ousmane ? ». Je fais « oui » de la tête. Je suis submergée par l’émotion au souvenir de ces jours heureux et désespérée de voir que ce pays magnifique va être détruit par l’impéritie de ses dirigeants.

Puisque je vais avoir besoin d’une très longue période d’assistance respiratoire, les médecins décident de me faire une trachéotomie et une gastrotomie. Je n’aurai plus de tube dans la bouche ni dans le nez. L’air sera amené directement aux poumons par la trachée artère et la nourriture directement dans l’estomac. Ce sera moins inconfortable pour la malade et les traitements s’en trouveront facilités. La famille donne son accord. Les opérations se passent bien. Les tubes enlevés, on s’aperçoit que la paralysie a atteint le visage et le déforme.

Cela fait maintenant plus d’un mois que je suis hospitalisée. Il n’y a pas d’amélioration. Les médecins sont pessimistes. Ils se refusent à faire le moindre pronostic, la moindre prévision sur l’évolution et la durée de ma maladie ! Que vais-je devenir ?

Un nouvel espoir

Enfin, après tant de jours d’attente, survient un premier signe d’amélioration. C’est le samedi 4 décembre 2004. Il est 15 heures. Mon mari est là. Subitement je remue mes deux mains comme pour tourner des boutons de porte. C’est le premier mouvement que je fais depuis plus d’un mois. J’en suis tellement heureuse que je n’arrête pas de faire et de refaire ce geste. Tout le monde est radieux. C’est le signe que nous attendions tous. L’espoir revient en force.

A partir de là, chaque jour voit une petite amélioration de mon état. Elle est parfois toute petite mais il n’y a jamais de régression. L’amélioration est sensible au niveau de l’assistance respiratoire. Elle m’est toujours nécessaire mais devient un appoint car je pourvois de mieux en mieux à mes besoins respiratoires.

Quinze jours plus tard à mi décembre 2004, les médecins jugent que mon état ne nécessite plus mon séjour dans le service de réanimation. Ils décident mon transfert dans un centre de rééducation fonctionnelle. Le 21 décembre 2004, premier jour de l’hiver, je suis transférée par hélicoptère au Centre Bouffard-Vercelli.

J’ai passé près de deux mois dans le service de réanimation et d’assistance respiratoire de Gui de Chauliac, un service de grands malades. J’étais dans un état de grabataire. Je sais que je dois beaucoup à l’équipe médicale et que c’est grâce à elle que je suis encore en vie. Mon mari, mes fils m’ont raconté en détail le grand professionnalisme, la gentillesse, l’attention de toute l’équipe car, bien que consciente pendant tout ce temps, j’ai tout oublié de cette période, un trou noir de presque deux mois dans mes souvenirs. Il paraît que ce n’est pas exceptionnel. Un grand merci du fond du cœur à cette équipe médicale !

Monique contre-attaque

Le Centre Bouffard-Vercelli à Cerbère (Pyrénées-Orientales) est un centre de rééducation fonctionnelle situé à Cerbère sur la Côte Vermeille presque à la frontière espagnole. Il est installé dans un cadre magnifique, sauvage, avec la mer qui vient battre sur les rochers. J’y serai parfaitement soignée et traitée. C’est le seul centre qui pouvait me recevoir car c’est le seul dans notre région équipé pour traiter les malades sous assistance respiratoire.

Il est situé à 230 km de Montpellier, ce qui ne facilite pas les visites familiales. Cet inconvénient se révèlera un avantage. Les visites sont indispensables pour soutenir le moral du malade. Mais il faut aussi que la famille puisse prendre une certaine distance avec la maladie. Nous trouverons le juste équilibre. Mon mari vient me voir tous les week-ends et mes fils et ma belle-fille un week-end sur deux ou trois.

Le médecin-chef explique à mon mari et à mon fils que j’ai une forme aggravée de Guillain Barré (syndrome Annan) et que je constitue un intéressant sujet d’étude. En effet je déjoue des prévisions plutôt pessimistes et mon état évolue plus favorablement que ce à quoi on pourrait normalement s’attendre. Si cela continue ainsi, je pourrai être de retour chez moi dans dix mois en septembre 2006. C’est la première fois que l’on nous fait une pareille promesse et cela nous rassure beaucoup.

Le réveil de la force

Je gis dans mon lit sous assistance respiratoire, incapable de parler, mais je peux faire quelques mouvements des bras. Le kiné me fait travailler tous les jours dans mon lit.

Je fais des progrès. Mon mari les énumère à un de nos amis, général en retraite. « Mon général, début janvier, notre petit soldat, allongé dans son lit, n’aurait pas pu vous saluer car il ne pouvait pas porter la main au dessus de l’épaule. Le dimanche suivant, il aurait pu vous saluer mais à l’américaine avec la paume de la main tournée vers le bas car il ne pouvait pas faire faire à sa main le quart de tour nécessaire pour saluer à la française. Le dimanche d’après, il était capable de mettre un doigt sur la tempe et de le tourner significativement comme pour dire il est zinzin ce gars là ».

Les sensations reviennent progressivement d’abord dans le haut du corps, les bras puis dans le bassin, ensuite dans les cuisses et les jambes et beaucoup plus tard dans les pieds. Il n’est plus question de me pincer car je réagis très fort. Seuls restent insensibles les pieds par où tout a commencé. Ce retour s’accompagne de manifestations étranges. Bien que je ne porte pas de bague, j’ai la sensation d’avoir à tous les doigts des bagues que j’essaie en vain et sans fin d’enlever. Un étau me broie la poitrine. On redoute une attaque cardiaque. Il n’en est rien. C’est purement la réhabilitation des nerfs. Ces manifestations sont désagréables, pénibles, parfois douloureuses. Il faut parfois combattre la douleur mais il n’a pas été nécessaire de recourir à la morphine.

Même amélioration au niveau de l’assistance respiratoire. Fin janvier 2005, je peux respirer par mes seuls moyens. On supprime le ventilateur devenu inutile (l’appareil qui aide les muscles qui assurent la respiration) mais je continue à recevoir un apport d’oxygène. Je conserve pour quelques temps encore la canule dans la trachée artère. Cette canule m’empêche de parler. Début février 2005, elle se bouche et doit être remplacée. Pendant une quinzaine de minutes, je suis sans canule et je peux à nouveau parler après trois mois de silence forcé. Je suis, paraît-il, intarissable ! Le docteur implacable me pose une canule neuve et me condamne à nouveau au silence.

Il m’est très difficile de communiquer avec les autres. Je peux répondre par un signe de tête mais je ne peux rien dire, rien demander. Mon mari confectionne un tableau de lettres. Il me les montre, l’une après l’autre, et j’en retiens une. De cette façon, nous pouvons former une petite phrase. Je peux désormais poser des questions simples, émettre un point de vue. La communication n’est plus à sens unique. Elle s’améliore encore par la suite quand, ayant acquis suffisamment de souplesse dans les doigts, je peux désigner directement du doigt une lettre sur le tableau. Enfermée dans ma bulle et incapable de parler avec les autres, je ressassais des idées, des souvenirs, des hypothèses, des fantasmes qui devenaient pour moi la réalité. Je me souviens encore de ces produits de mon imagination qui me paraissent aujourd’hui complètement extravagants.

L’ascension des progrès

A mi février 2005, mon état s’est amélioré. Je ne suis plus sous assistance respiratoire bien que je reçoive en permanence un apport d’oxygène. Les muscles qui commandent la vessie ont retrouvé toutes leurs capacités et la sonde urinaire a pu être enlevée. Je commence à pouvoir m’alimenter par mes propres moyens même si j’ai parfois quelques difficultés à porter la cuillère à ma bouche.

C’est aussi à cette époque que je peux enfin quitter le lit. Les infirmiers m’installent le matin dans un fauteuil roulant où je reste plusieurs heures. Ils me descendent chez l’ergothérapeute qui me fait travailler les doigts. Subitement, le 13 février 2005 l’écriture me revient. J’avais une ardoise magique. Le jeudi je ne peux pas tenir le crayon et le dimanche, trois jours plus tard, je remplis l’ardoise d’une écriture presque parfaite. Je ne suis pas complètement guérie pour autant au niveau des doigts et il me faudra encore beaucoup de séances de travail avec l’ergothérapeute. Mais ma vie s’en trouve bouleversée. Je peux enfin communiquer avec les autres. Quelques temps après, je ferai à mes amies la surprise de leur envoyer une réponse de ma main à leurs nombreuses lettres de soutien. J’ai une belle écriture, appliquée et très lisible. Plusieurs de mes amies trouveront que j’écris mieux qu’elles.
Le progrès est net au niveau des doigts, du haut et du milieu du corps, des épaules et des bras. Par contre les jambes et les pieds sont inertes.

Une rééducation intensive

Le 7 mars 2005 naît mon petit-fils Damien. C’est une très grande joie mais comme je regrette de ne pouvoir le voir et le serrer dans mes bras !

Les doigts sont revenus proches de la normale. Le mouvement revient progressivement dans les cuisses et les jambes. Fin mars, le médecin supprime l’apport d’oxygène et la fameuse canule. Je peux enfin parler à nouveau librement et longuement, à satiété. Je peux aussi me servir du téléphone et être en rapport avec mes parents et amis.

Fin mars 2005, mon état général s’est suffisamment amélioré pour que je sois dotée d’un fauteuil roulant électrique. Je le manœuvre très facilement. Ma vie s’en trouve transformée car je suis maintenant indépendante. J’ai toujours besoin des infirmiers pour passer du lit au fauteuil ou inversement. Mais pendant la journée je peux me déplacer librement dans tout l’établissement, aller au bord de la mer.

A vrai dire, en dehors des week-ends, ma journée est entièrement occupée de 9h à 17h par des séances intensives de travail avec le kiné, l’ergothérapeute et l’orthophoniste. Le soir, je suis épuisée et je retrouve mon lit avec plaisir. Je lis « Le Monde » que m’apporte chaque semaine mon mari et je regarde la télé (C dans l’air sur M6) mais très souvent je m’endors avant la fin.

Je fais la connaissance d’autres malades. Sur 300 malades, nous sommes 4 Guillain-Barré seulement : un homme de 40 ans qui pourra rentrer chez lui au bout de 2 mois, une dame de mon âge dont le Guillain-Barré avait commencé en novembre 2004 par les mains et se terminait par les mains, un homme de 70 ans dont le Guillain-Barré, diagnostiqué très tard, n’avait pas été très bien soigné, et qui, trois ans plus tard, n’avait pas retrouvé l’usage de ses jambes.

Une merveilleuse journée avec mes petit-enfants

Début avril 2005, je franchis une nouvelle étape. Jusque là, je ne voulais recevoir personne d’autre que mon mari et mes fils car je ne voulais pas être vue en état de faiblesse. Je ne voulais surtout pas donner de moi une image diminuée à mon adorable petite-fille de quatre ans. Je surmonte enfin cette crainte instinctive. Le 18 avril 2005, Chloé vient me voir. Elle sait que sa grand-mère restera assisse mais elle ne sait pas que je serai assisse sur une chaise roulante et que nous pourrons jouer ensemble. C’est une grande joie pour nous deux. Nous faisons la course, elle à pied, moi sur ma drôle de machine roulante. Elle gagne et elle est récompensée par un grand tour en fauteuil roulant sur les genoux de sa grand-mère. Elle est très fière et moi, je suis aux anges. Damien, mon petit-fils de deux mois qui est né pendant ma maladie, est là également. Ma belle-fille me le confie pour que je lui donne le biberon. En voyant ce petit bébé dans mes bras avaler goulûment sa nourriture, je me remémore ces longs mois de souffrance où je gisais inerte dans mon lit et je me sens à nouveau revivre. C’est pour moi une merveilleuse journée.

La guérison du Guillain-Barré se fait plus précise

Mi avril 2005, l’apprentissage de la marche commence sous la haute direction de mon kinésithérapeute. Marcher paraît naturel mais après des mois d’immobilisation, il faut réapprendre les gestes, retrouver les automatismes. Cela demande du temps et des efforts. Je suis placée sur mon fauteuil roulant à l’extrémité de barres parallèles. En prenant appui sur les barres, je dois me lever, m’extraire du fauteuil et me tenir droite. Il me faut une semaine pour y parvenir. Le lundi suivant je peux faire un premier pas entre les barres et le mardi un deuxième. A la fin de la semaine je fais trente mètres et quatre-vingt à la fin de la semaine suivante. Je quitte les barres parallèles et je marche dans les couloirs avec une simple canne sous la surveillance du kiné. Ma démarche est un peu hésitante, mon équilibre un peu branlant mais au fil des jours je prends de l’assurance et avec le temps j’arrive à faire près d’un kilomètre dans la journée. Le soir je suis épuisée et je retrouve ma chambre avec plaisir.

Mais le plus difficile est l’épreuve de l’escalier. J’arrive assez facilement à monter l’escalier, marche par marche tout d’abord, puis en les enchaînant mais il m’est impossible de redescendre. En descendant, vous devez mettre le pied dans le vide pour atteindre la marche suivante. Vous êtes projetée en avant et déséquilibrée. J’ai peur de tomber, je me refuse à descendre, je me cramponne à la rampe. Il me faut très longtemps pour retrouver confiance. Je n’y parviens vraiment que quelques temps seulement avant de quitter l’établissement.

Fin mai 2005, je me sens capable de manger au restaurant du Centre et je renonce à prendre mes repas dans ma chambre. Je fais de nouvelles connaissances. Je me rends utile. Comme j’ai retrouvé l’usage parfait de mes mains, je peux rendre quelques menus services à mes compagnons de misère, couper leur viande, leur passer les objets qu’ils ne peuvent pas saisir. Le soir, nous allons contempler la mer et les étoiles. Et c’est ainsi que je reviens peu à peu à une vie normale.

Je quitte enfin le centre de rééducation fonctionnelle

Fin juillet 2005, le médecin rassemble ses collaborateurs pour décider de mon sort. Mon mari et moi, nous sommes conviés à cette réunion. Ma santé est correcte. Mes analyses n’ont jamais été aussi bonnes. Elles ne révèlent aucune trace de triglycérides, cholestérol ou diabète. J’ai encore quelques limitations dans la marche. Il est décidé que je peux retourner chez moi poursuivre ma convalescence.

J’éprouve un immense sentiment de gratitude envers tout le personnel médical de l’établissement, les médecins qui m’ont suivie, le kinésithérapeute, l’ergothérapeute qui m’ont prise en charge, les infirmiers, le personnel soignant et aide soignant qui se sont occupée de moi. J’ai été parfaitement traitée par tous avec gentillesse et attention tout au long de mon séjour et je voudrais leur dire ici toute ma reconnaissance.

Le jeudi 4 août 2005, je suis de retour dans notre mas cévenol avec un mois et demi d’avance sur les prévisions. J’y retrouve mon mari, mes fils, mes petits-enfants, mes parents, mes amis. Notre joie est complète.

Je peux me suffire à moi-même mais j’ai besoin de surveillance dans les opérations difficiles, monter ou descendre un escalier, prendre la douche. Nous passons le reste de l’été dans notre mas mais l’arrivée de l’automne et des premiers froids compliquent la vie. Nous regagnons Montpellier un peu plus tôt qu’à l’accoutumée.

Ma longue convalescence à la maison

Fin septembre 2005, je poursuis ma convalescence à Montpellier sous la direction d’un médecin de médecine fonctionnelle. Je souffre d’un reste de paralysie faciale qui sera corrigé en quelques mois par des exercices que je fais chez moi.

Mais la maladie affecte encore mes pieds par là où elle a commencé. Curieusement, si on me caresse la jambe du tibia à la pointe du pied, j’éprouve le long du tibia un sentiment agréable de caresse mais, à partir d’un certain point au niveau des chevilles, la caresse se transforme soudainement en une sensation aiguë de douleur au point de me faire crier de souffrance. « Absence totale d’innervation des muscles intrinsèques des pieds » conclut le médecin. J’ai aussi la sensation de marcher sur de grosses pierres. C’est très désagréable. Je marche courbée et les jambes écartées à la recherche d’un équilibre défaillant. Mon mari me rappelle à l’ordre en me répétant « Alliot Marie ! Alliot Marie ! » du nom de cette ministre, droite comme un I, qui devrait, selon lui, me servir de modèle. Je fais trois puis deux séances de kiné par semaine pour venir à bout de ce reste de maladie.

Aujourd’hui, fin mai 2006, à la fin de mon 19ème mois de maladie, je vaque normalement à mes tâches ménagères mais je n’ai repris que très partiellement mes activités associatives. Ma paralysie faciale est corrigée. Mes pieds se sont beaucoup améliorés mais pas complètement. Je suis limitée dans la marche. Une promenade de deux kilomètres est pour moi un maximum. Je risque de garder quelques séquelles qui devraient cependant pouvoir être compensées et ne pas trop me gêner. Je poursuis les séances de kiné au rythme de deux par semaine.

La vie normale reprend

Je reviens de très loin et j’ai eu beaucoup de chance. La maladie a été immédiatement diagnostiquée. J’ai été aussitôt prise en mains par des équipes médicales très compétentes. Ma famille, mes amis m’ont chaleureusement entourée. Leur aide m’a été très précieuse. Cette douloureuse épreuve nous a amenés à reconsidérer bien des choses, à nous recentrer sur l’essentiel, à oublier ces problèmes mineurs ou mesquins auxquels nous accordons trop souvent une importance exagérée dans la vie courante.

Pour les miens comme pour moi, la vie continue, encore plus belle et plus captivante. Je suis très heureuse car hier j’ai recommencé à conduire notre automobile après 19 mois d’interruption !