Résultats de la ponction lombaire : Guillain-Barré. Et moi, le sportif confirmé, je suis devenu tétraplégique.

Je suis rarement malade et généralement de bonne constitution. Sportif confirmé, actuellement double champion de France en double de Peteca je suis depuis juillet, papa d’une magnifique petite fille.

Vincent, 31 ans

Guillain-Barré à 31 ans

Comme un pantin désarticulé

Je me sentais un peu fatigué au milieu du mois de novembre, le 17 novembre 2005. Je me dis que le travail, le sport et l’arrivée de ma fille sont les facteurs de cette fatigue. Le vendredi 18 novembre, je commence à ressentir des fourmillements au niveau des gros orteils. Ils perdurent le samedi et le dimanche, mes jambes sont terriblement lourdes et les courbatures plus fortes qu’après une compétition.

Le lundi 21 novembre au matin, mes jambes ont du mal à me supporter comme d’habitude. Aucune tonicité, un peu comme un pantin désarticulé, elles ne répondent plus correctement à mes ordres. Je commence à m’inquiéter et je prends un rendez-vous le lendemain chez mon médecin traitant. La nuit est dure, les fourmillements sont montés aux genoux et les mains sont conquises également. Des sensations de chaleur extrême sont également de la partie sur ces régions de mon corps. Mon médecin ne diagnostique rien pour le moment et me demande d’effectuer une prise de sang le jour même.

La nuit de mardi et de mercredi les symptômes s’intensifient. Le jeudi matin mon médecin traitant me rappelle et me demande de me déplacer car il a reçu les résultats des examens sanguins. Il n’y a rien.

Mon médecin demande des examens neurologiques

Dans ce malheur voici mon premier avantage face à cette maladie. Mon médecin ne sachant pas ce que cela peut être et me connaissant très bien depuis plus de deux décennies, décide de m’envoyer aux urgences de l’hôpital le plus proche. Il rédige un courrier pour que soit effectué un examen neurologique. Le jeudi 24 novembre 2005 je rentre aux urgences de l’hôpital d’Eaubonne transit de peur et d’incertitude sur mon état.

Je suis pris en charge par la neurologue. Une ponction lombaire est effectuée après une auscultation. Symptômes : mes gros orteils ne peuvent pas résister à la force qu’exerce la neurologue, mes réflexes au niveau des tendons d’Achille réagissent mal. Je suis rentré à 10h30 et il est 15h. Les résultats de la ponction arrivent, rien d’anormal mais un deuxième examen plus poussé va être effectué. Il faudra attendre une semaine car les examens doivent être fait après cultures. La neurologue vient me voir et me dit qu’elle va me garder en observation. Pour elle le diagnostic est : un syndrome de Guillain-Barré. C’est mon deuxième avantage devant cette maladie (ou devrais-je dire sur le virus) : la neurologue est un bon médecin.

Résultats de la ponction lombaire : Guillain-Barré

Je reste en médecine sous surveillance. J’ai des douleurs atroces au niveau cervico-dorso-lombaires qui m’empêchent de dormir. Cependant, les symptômes ne cessent d’augmenter et de grignoter de plus en plus de muscles. On m’injecte des immunoglobulines. Le samedi je ne marche plus. Le dimanche la paralysie a atteint les épaules et le visage. Rien ne l’arrête même pas les immunoglobulines (5 jours durant).

Le lundi les complications commencent : difficulté de déglutition, je ne ferme plus les yeux, les maux de dos sont de plus en plus longs et douloureux (environ 15 heures par jour). Arrivent les résultats de la ponction lombaire : Guillain-Barré. Le médecin avait bien diagnostiqué.

Douleur et fourmillements sont à leur comble

Le mardi 29 novembre 2005 la neurologue décide de m’envoyer en réanimation. Le mercredi, jeudi et le vendredi les symptômes de la douleur et les fourmillements sont à leur comble sur tout le corps. Les calmants ne font rien. Je perds des kilos à vue d’œil, je suis sous perfusion et sous assistance respiratoire (sans trachéotomie). Je ne bouge plus que la mâchoire, un peu les poignets et les doigts mais très faiblement. Je suis devenu tétraplégique. Les douleurs sont insoutenables, mon rythme cardiaque est très très faible. Le médecin de la réanimation décide de me mettre sous corticoïde le vendredi (le risque est qu’il peut y avoir une rechute dangereuse des symptômes après amélioration de l’état mais cela je ne l’ai su qu’au mois de mars). Il décide également vu mon passif de sportif de ne pas me mettre sous trachéotomie. Cependant tous les appareils sont disposés à coté de moi près à être utilisés. Une infirmière reste auprès de moi quasiment tout le temps durant les nuits.

Je souffre énormément et je suis toujours conscient (dans le cosmos mais conscient). Je ne peux presque plus parler, je ne peux plus bouger du tout, mes yeux sont toujours ouverts et on me les ferme avec un liquide visqueux (et encore, ils sont à demi ouverts, on ne voit que le blanc paraît-il). Le samedi et le dimanche se poursuivent dans le même état avec une réduction des douleurs.

Fuck SGB

Le lundi et le mardi les douleurs disparaissent progressivement. Cela fait une semaine que je n’ai rien bu ni mangé (sauf en perf). Mon état est stable, apparemment je suis rentré dans la phase dite de plateau. Mon rythme cardiaque et les autres examens présument que je suis tiré d’affaire. Je suis renvoyé en médecine après une semaine d’enfer physique. En effet, outre le fait d’être passé proche du noir et de la mort, je suis resté conscient et j’ai pu tout entendre (et un peu voir autour de moi). Une victoire pour le combattant mais une grosse valise de mauvais souvenirs à transporter. Je n’ai pratiquement pas pu dormir pendant tout ce temps à cause de mes yeux qui ne se fermaient pas et aux douleurs insupportables dans le dos et à la tête.

Ce qui m’a fait tenir c’est la force de ma compagne et de mes proches qui sont venus tous les jours par roulement pour me soutenir. Ma compagne a même réussi à me montrer notre fille à travers la vitre en réanimation car j’étais au rez-de-chaussée. Mes amis ont également fait un gros panneau avec l’inscription « FUCK SGB », ce qui fit bien rire quelques infirmières…

Je suis exténué

Le cauchemar reste quand même entier. En effet, après un combat contre la douleur et bien d’autres encore, je me rends compte de l’état physique dans lequel je me trouve. Je ne bouge plus, je suis complètement dépendant. On recommence à me donner à manger, et à boire, on me lave, on me bouge de position pour éviter les escarres au niveau des articulations et des fesses. Je demande aux kinés de trouver un moyen pour que je puisse voir ma fille. Ma compagne et les kinés pensent que le seul moyen est que je puisse me tenir assis dans un fauteuil spécial et qu’on me déplace dans une salle à l’autre bout du couloir.

Le mardi 13 décembre ils se rendent compte que les selles ne sont toujours pas revenues au bout de 15 jours. Les lavements n’y font rien, les laxatifs me font gonfler le ventre. Apparemment un bouchon s’est formé. Ils vont aller l’enlever d’urgence avec ce qu’ils peuvent (en l’occurrence les doigts) avant que l’occlusion se déclenche…. Aïe encore. Durant deux jours, je me fais dessus toutes les 30 minutes. Je suis exténué. Ma compagne, ma famille et mes amis se relaient pour me donner à manger tous les soirs pour que je ne perde pas trop de poids. Même devant eux, filles et garçons, père et mère, cela continue. Je me sens dévalué, ma confiance me fait défaut.

J’ai perdu 17 kilos dans la bataille

Le vendredi 16 décembre je n’en peux plus de rester inerte sans bouger et surtout sans voir ma fille. Ma compagne décide de bouger le lit dans une autre pièce au fond du couloir ou je verrai ma fille et sentirai ma fille contre moi pour la première fois. Même si cela est magnifique je suis frustré de ne pas pouvoir la prendre dans mes bras et mains (paralysés), ni de pouvoir l’embrasser car mes lèvres sont également paralysées, de plus ma voix étant modifiée, elle ne la reconnaît pas.

Le samedi 17 décembre, je suis mis assis pour la première fois. Je n’y reste que 5 minutes car je tombe dans les pommes. Jour après jour je tiens de plus en plus longtemps. Par contre, aucune amélioration en vue d’un point de vue musculaire. Le jeudi 21 décembre, une épaule se débloque. Je recommence à manger normalement (des morceaux et pas de la bouillie) toujours avec quelqu’un qui me nourrit. Je suis envoyé dans le service de rééducation. La phase de descente a débuté. J’ai perdu 17 kilos dans la bataille. De 78 je suis passé à 61 Kg pour 1m81.

Les neurologues pensent, avec réserve, que la récupération va se dérouler d’après la moyenne suivante : marche en mars, vie en autonomie complète en juin, activités physiques plus soutenues en septembre et retour à la normale (comme une personne normale, pas comme je l’étais avant, environ un an soit en décembre 2006).

Je ne supporte plus d’être loin de ma compagne et de ma fille

J’ai pu sortir pour Noël et le jour de l’an avec ma compagne et mes amis qui avaient tout prévu et préparé pour moi. Je décide alors, à partir du 26 décembre 2006, de me donner à fond dans la rééducation. Soit 3 heures de kiné et d’exercices physiques, 1 heure d’ergothérapie et 1 heure d’orthophonie par jour. Le rythme est très élevé et les médecins me disent que j’en fais de trop et que la fatigue très présente dans cette maladie n’est pas à prendre à la légère. En effet la fatigue est très dure à gérer et je suis tout le temps fatigué, las et exténué. Mais je continue quand même et je passe de la station allongée à assise le 07 janvier 2006. De assis aux barres parallèles le mardi 10 janvier. Des barres au déambulateur le 17 janvier et pour finir aux béquilles le 22 janvier. Je sors en hospitalisation de jour. Je ne supporte plus le fait d’être loin de ma compagne et de ma fille. Le médecin accepte, non sans réticence !

Je vous aime

Je marche sans béquilles le 13 février 2006. Je me lance sur le marcheur à 5 kms par heure sans me tenir le 1er mars 2006 pendant 1 heure. Je pars au ski avec ma famille pour me reposer le 13 mars 2006 et je ski sur des pistes bleues voire rouges sans bosses (skieur confirmé à la base). Je pars courir dans les bois le 16 mars et je cours doucement pendant 5 kms.

Il me reste encore les releveurs, les doigts de pieds qui sont inertes, le tonus et la force musculaires sont encore faibles. Mais j’ai repris 14 kilos. Je suis chez moi, je m’occupe de ma fille, de ma compagne, de ma famille et de mes amis. Je suis en hospitalisation de jour durant 3 jours par semaine. Et, même si je suis fatigué, courbaturé tous les matins comme si un bulldozer m’était passé dessus, même si mes muscles et mes articulations me font souffrir horriblement (traitement pour les douleurs musculaires et articulaires, plus contre les fourmillements et les douleurs cutanées encore très présentes aujourd’hui), même si je ne sens toujours pas mes pieds et que les sensations de fourmillement et de chaleur me font passer des nuits affreuses, je me dis que j’ai de la chance de m’être sorti de ce cauchemar. J’ai de la chance d’avoir une famille qui a pris soin de moi (ma compagne, ma fille, ma mère, mon père, je vous aime), des amis supers qui me l’ont prouvé durant toute cette période (je vous aime également). Tous les jours je me donne pour eux, pour leur prouver que ce qu’ils m’ont apporté est plus important que tout le reste (matériel, travail et autre). Je dois ma victoire à leur amour, je dois ma victoire à ma persévérance de croire en ce qu’ils m’ont apporté.

J’en ai encore sûrement, d’un point de vue neurologique, pour quelque mois (juillet, août peut-être). La fatigue se résorbera sur plus d’un an, quant à ma vie sportive je me dis qu’avec encore quelques efforts, je pourrai peut-être faire les qualifications pour le Championnat de France fin avril début mai.

Qui sait ? Aujourd’hui tout m’est ouvert. L’important n’est pas de gagner, mais de savoir que j’ai dore et déjà gagné.