D’après le neurologue, je vais rester paralysé au niveau des genoux jusqu’aux pieds. Après cinq ans, il n’y a plus d’espoir de récupérer.

Je m’appelle Jean-Pierre, j’habite à Maubeuge dans le Nord de la France et j’ai 56 ans. Je suis soigné pour une polyradiculonévrite aiguë (syndrome de Guillain Barré). Je fais parti des cas « morbides » comme dit mon médecin rééducateur. Par chance, je m’en suis sorti…

Jean-Pierre, 56 ans

Guillain-Barré à 53 ans (en 2000)

La paralysie s’est installée progressivement

Cela m’est arrivé en vacances à Port-Leucate. Je me souviens avoir eu les premiers symptômes lors d’une fête au village voisin : j’avais de la peine à marcher et je mettais cela sur le compte de la gastrite que j’étais en train de soigner. Par la suite, j’ai ressenti des picotements au niveau des mollets et la paralysie s’est installée progressivement.

Hospitalisé le 11 août 2000, dans un premier temps à l’hôpital de Narbonne, pensant à une occlusion intestinale, vu les violents maux de ventre que j’avais après divers examens, il s’avéra que mon état était plus sérieux et qu’il fallait m’envoyer au CHU de Montpellier. J’y fus accueilli dans le service de réanimation et neurologie. Au départ, j’ai beaucoup souffert et l’on ma plongé dans un semi-coma pour atténuer mes souffrances. Durant ce semi-coma, je me souviens d’avoir fait d’étranges rêves, à la limite des cauchemars. Je suis resté dans ce service environ un mois, pour être ensuite rapatrié vers un hôpital plus proche de mon domicile.

Je suis arrivé au CHU de Valenciennes dans un service de réanimation le 9 septembre 2000 et j’en suis ressorti le 28 janvier 2001. Il faut dire que durant mon séjour en réanimation, pas mal de complications sont venues se greffer, à un point tel, que les médecins avaient prévenu mon épouse d’un éventuel décès. Les poumons, reins, foie, cœur, tout ce petit monde causait de sérieux problèmes.

De la réanimation à la rééducation

Après ces quelques mois passés en réanimation, je fus admis dans un autre service de l’hôpital pour commencer ma rééducation. Je ne vais pas trop m’attarder sur le sujet, vu le très mauvais souvenir des 4 mois passés dans ce service : une organisation que je qualifierais de moyenâgeuse, certaines personnes n’étant pas à leur place pour gérer ce genre de pathologie dite « lourde ». Pourtant, il y avait un personnel hautement qualifié, surtout chez les kinés.

Viens ensuite le vrai centre de rééducation de Liéssies, en tout point de vue différent de part le cadre de verdure dans le quel il se situe. Dans ce centre, j’ai trouvé un accueil, une écoute. Ils ont su s’entourer d’un personnel super sympathique, très professionnel, sachant faire travailler les patients dans la bonne humeur et le respect de la personne.

Il m’arrive parfois d’avoir des moments de découragements et de doutes. Probablement à cause de la fatigue et parfois le peu de résultats que cela engendre après tant d’efforts. Bien que maintenant, je commence à avoir une certaine autonomie. Mais après autant de temps, j’ai des moments de doute quant à ma guérison.

Depuis peu, je me lave les dents seul

J’en suis à présent à me lever seul et effectuer quelques pas aidé d’un rolator « déambulateur à roulettes » et de releveurs aux pieds. Je mange seul, pour autant que l’on me découpe les aliments. Je travaille pour ainsi dire normalement sur mon ordinateur. Tout cela, je peux le réaliser grâce à mon ergothérapeute, qui m’a réalisé des orthèses et une adaptation spéciale sur les couverts. Depuis peu, je me lave les dents seul. Vous ne pouvez pas vous imaginer le bien-être que cela vous procure après tant de mois de privation.

Il faut être fort mentalement pour en sortir indemne

J’ai la chance d’avoir une épouse exceptionnelle, qui a su assumer toutes les contraintes de la vie en plus de ses tâches quotidiennes. Sans jamais sourciller, ni se plaindre de quoi que se soit, elle fût une alliée très importante pour ma survie. Je n’oublie pas mes enfants et amis. Quand, je dis « amis », ce sont les vrais, ceux sur qui mon épouse a pu compter lorsque j’étais au seuil de la mort.

Il faut être fort mentalement pour en sortir indemne. Même si l’on a des moments de doute, de découragement ou autres, il faut serrer les points, garder le moral, la confiance, l’espérance, être patient, ne jamais abandonner. Même si parfois la rééducation est épuisante.

En tant que « malade », nous n’avons pas le droit de décevoir les personnes qui se battent pour nous au quotidien afin que nous puissions guérir. Personnellement, je sais que ma route est encore longue, mais je vais continuer à me battre, pour le personnel médical, ma femme, mes enfants et amis.

2 ans plus tard…

Je viens dernièrement de faire une myographie. Cet examen permet de voir où en est l’état des muscles et des nerfs. L’électromyogramme ne s’avère pas fameux, je n’ai pas ou très peu de réactions en dessous des genoux, la courbe de réactions restant plate. D’après le neurologue, je vais rester paralysé au niveau des genoux jusqu’aux pieds. Après presque cinq ans, il n’y a plus d’espoir de récupérer.

Pour moi, c’est difficile à avaler, surtout après tant d’efforts durant ces cinq dernières années pour essayer d’être autonome et de revivre normalement. Mais sachez que si la bête est malade, elle n’est pas morte. Elle est dure la bête…

Je n’ai pas le droit d’abandonner, je vais continuer à me battre, à me battre toujours et toujours contre le coup du sort. Je vais continuer à me battre pour ma femme à qui je dois tout. Continuer pour mes enfants. Continuer pour tout le staff médical, les kinés, ergothérapeutes à qui je dois beaucoup. Continuer pour mes amis(es) et toutes les personnes qui ont soutenu ma famille et moi-même durant cette épreuve. Je ne veux en aucun cas les décevoir. Continuer pour moi-même et les autres qui sont dans le même cas que moi et qui n’ont pas cette même volonté, cette rage de vaincre. Je veux prouver aux gens qu’avec de la volonté on peut soulever des montagnes.

Pleurer sur mon sort ne servirait à rien

Ce résultat me donne à la fois de la déception mais aussi la rage de vaincre, la hargne. Je vais tout mette en œuvre pour me surpasser. Pleurer sur mon sort ne servirait à rien.

Cette rage de vaincre qui est toujours en moi me joue parfois des tours. Car je vais au delà de mes limites, mon kiné est obligé de me freiner. J’ai beaucoup de mal à accepter le raisonnable et l’utile pour ce genre de pathologie.

A part cela, j’ai quand même fait des progrès. Je mange seul sans aucun artifice, je ne mets plus d’orthèses aux mains. J’arrive depuis une dizaine de jours à me raser seul, j’arrive à marcher quelque peu avec mon kiné et sur un tapis de marche entre deux barres parallèles. En ce moment, en plus de mes séances de kiné au centre de rééducation où je vais trois fois par semaine, j’ai une kiné qui vient une fois par semaine à la maison pour m’apprendre et m’affranchir dans la maison avec mon « rolator ». Après seulement trois séances, j’arrive à franchir des plans inclinés à l’intérieur comme à l’extérieur. Monter, descendre une petite marche et autres obstacles… Mon but étant, lorsque j’aurais l’autorisation de ma kiné, de quitter mon fauteuil et de ne me déplacer qu’avec mon « rolator » (du moins dans la maison et un peu au jardin par temps sec).

A toutes celles et ceux qui trouveraient le temps long, je leur dis ceci : ayez confiance, ne renoncez jamais, gardez le moral même ci cela est parfois dur.