« Qu’est-ce que le syndrome de Guillain-Barré ? Comment l’as-tu attrapé ? » Je répondais simplement : « Je me suis contenté de respirer. »
Guillain-Barré : c’est quoi ? En effet, jusqu’à ce mois de mars 2000, ces noms m’étaient totalement inconnus. J’étais au bureau ce lundi-là. Jusqu’à midi, pas le moindre problème mais à partir de ce moment-là, j’ai commencé à ressentir des douleurs dans les jambes.
Alexis, 45 ans
Guillain-Barré à 40 ans
Comme un poids mort
Pendant la nuit de lundi à mardi, les douleurs se sont accentuées et le mardi matin, je ne me suis pas senti suffisamment en forme pour aller travailler. Le mardi soir, visite chez le médecin généraliste. Son diagnostic : soit un problème musculaire soit un problème de « virus ». C’est le problème le moins grave qui a d’abord été pris en considération avec un traitement adéquat.
Mercredi, aucune amélioration. Après avoir interrogé mon médecin à ce sujet, il me dit qu’il faut attendre que le traitement fasse son effet.
Jeudi matin, je me lève, mes jambes ne me portent plus et je m’étale la tête la première sur un panier de linge. Je suis obligé de me déplacer sur mon arrière-train dans les escaliers et accroché à une chaise dans le salon et la cuisine. Je me fracasse aussi la figure une nouvelle fois sur le carrelage de la cuisine. Je suis comme un poids mort dont les jambes ne portent plus rien.
Le soir-même, assis sur le sol à côté de ma baignoire, je suis incapable de franchir les 50 cm même avec l’aide de ma femme. Une expérience qui me marque énormément. Je me mets à pleurer en prenant conscience que je suis devenu un homme de 40 ans incapable de se mouvoir seul.
Mais qu’est-ce que le syndrome de Guillain-Barré ?
Vendredi matin, toujours aucune amélioration. Au contraire, cela empire. Coups de fil au médecin qui dans l’heure, sonne à la porte. Et là, il me faudra de très longues minutes pour pouvoir passer en position assise sur le canapé, de m’agripper à la chaise et de parcourir les 5 mètres qui me séparent de la porte d’entrée.
Le médecin voyant l’état exténué dans lequel je me trouve me fait asseoir et se met à écrire une note pour le responsable des urgences en neurologie avec la mention suivante : « Suspicion de Guillain-Barré ». Le terme est lancé… Mais qu’est-ce que le syndrome de Guillain-Barré ? J’allais vite apprendre à le découvrir.
Accompagné de mon épouse, je pars aux urgences en début d’après-midi. (Avec l’aide d’un ami, elle a du me porter jusque dans la voiture). Arrivé à l’hôpital, un ambulancier doit me porter jusqu’à ma nouvelle compagne : une chaise roulante.
Le temps que mon épouse aille garer le véhicule dans le parking, je me retrouve seul en face de ce qui s’appelle « l’accueil » des urgences où je remets la note écrite par mon médecin. Mais au lieu de simplement prendre en considération ce qui s’y trouve écrit, on me demande pourquoi c’est seulement maintenant que je viens. Voilà un accueil très sympathique alors que l’on est dans un état plus que grave !
La crainte de la ponction lombaire et de l’EMG
La suite : contrôle des réflexes, nombreuses questions, prise de sang… mais le pire reste à venir : la ponction lombaire et l’EMG. Si un blanc plus blanc que le plus pâle des blancs existait, je devais être de cette couleur lors de la ponction lombaire. Bien que celle-ci ait été pratiquée presque sans douleur, l’anxiété et les explications du médecin à son assistant n’étaient pas pour me rassurer.
Concernant l’EMG, le professeur qui l’a effectuée a dû, avec l’aide de mon épouse, sortir la table de consultation qui se trouvait dans le local afin d’y rentrer le brancard sur lequel je me trouvais. Cela n’a pas été sans mal vu l’étroitesse du local. Ensuite, j’ai appris à connaître ce qu’était l’EMG. En effet, et apparemment parce que je suis électricien de formation, je suis plus sensible qu’une autre personne aux décharges qui m’ont été appliquées. Avec pour conséquence que lorsque ces séries de décharges étaient appliquées dans les bras à proximité du cœur, la douleur était très forte. A la fin de la séance, j’ai fini par pleurer. Une fois de plus…..Je ne peux malgré tout pas me plaindre car j’ai vu un enfant de moins de 2 ans qui sortait d’une séance d’EMG. Lui, il était à plaindre.
Pronostic du professeur neurologue : 10 % de décès, 30 % s’en sortent avec des séquelles et 60 % s’en sortent après une longue convalescence sans séquelle. Tout cela dit sans y mettre les gants. C’est rassurant….. Un accord me fût demandé afin d’expérimenter un produit (à l’aveugle) en même temps que le traitement. Il s’agissait de voir si un supplément de cortisone influençait ou non le traitement.
Les nouveaux défis du quotidien
Le temps de faire de la place, et me voici dans ma chambre au service neurologique. Moi qui pensais seulement passer à l’hôpital pour y subir des tests et y recevoir un traitement avant de regagner mon domicile… J’étais loin du compte. C’est là que j’ai commencé à me rendre compte que ce n’était pas une simple grippe que j’avais attrapée.
Malgré la prise de sang effectuée aux urgences, on m’a pratiqué de nouveaux tests sanguins et on m’a placé un un cathéter. Pour quelqu’un qui n’aime pas les aiguilles, c’est une expérience assez désagréable.
C’est alors qu’on commencé 5 jours et 5 nuits de traitement, ainsi que 8 jours de tests aussi différents les uns que les autres : respiration, réflexes… mais toujours répétitifs afin de voir l’évolution de la maladie.
Je ne me rendais malgré tout toujours pas compte du degré d’évolution de ma maladie. Mais le mètre et demi me séparant des toilettes et de l’évier me paraissaient une distance infranchissable accroché à mon « perroquet » et à tout ce qui pouvait me servir. Ouvrir une bouteille d’eau (avec la bouche et coincée entre les jambes) ou tout simplement un berlingot de lait représentait un véritable exploit.
Je me rappelle avoir dû m’y reprendre à 5 ou 6 fois avant de pouvoir me relever des toilettes. Ma main glissait par manque de force sur la barre en inox. Après 2 à 3 jours d’hospitalisation, j’ai voulu me laver les cheveux et les 4 mètres de largeur du couloir séparant ma chambre de la salle de bain (utilisée comme rangement vu le manque de demande d’utilisation) furent grâce au perroquet et à l’aide de ma femme et de mes enfants un nouvel exploit. Mais quelle satisfaction de se retrouver propre après une telle épreuve !
Un objectif : quitter l’hôpital
Le traitement 5 fois par jour ne fût pas de tout repos car j’avais à présent une phlébite à mon bras gauche. Mes veines se bouchaient rapidement et la pompe continuait à pousser le produit. Même l’injection de l’anti-douleur me faisait sauter au plafond. Réflexion de l’infirmière : « Un anti-douleur cela ne peut en aucun cas faire mal…. ». Je puis vous dire que si ! Après plusieurs essais sur le bras droit, le traitement a finalement pu être totalement administré.
En plus du traitement, il est une personne qui a grandement participé à mon rétablissement : le kiné. Celui-ci m’a permis de retrouver quelques forces dans mes jambes et finalement m’a permis de monter (avec son aide) 2 ou 3 escaliers.
Après 8 jours d’hospitalisation, j’ai fait tout ce que pouvais pour sortir. J’étais maintenant capable d’aller au bout du couloir accroché à la main courante. Dans la salle de repos servant aussi, vu le manque de place, de salle de réhabilitation, j’ai vu au journal d’Antenne 2 une personne qui avait totalement été paralysée après avoir mangé de la cervelle. Amateur de filet américain (steak tartare), et ne connaissant pas le Guillain-Barré, je me suis posé de sérieuses questions. Et lorsque, malgré mon état, le médecin m’a demandé de parcourir rapidement 5 mètres afin de voir si j’avais suffisamment récupéré, je l’aurais fais sur les mains (façon de parler) si cela avait été nécessaire afin de pouvoir quitter l’hôpital.
Se remuscler lorsque l’on a eu le Guillain-Barré
A chaque visite post-hospitalière (pendant 2 ans), j’ai posé la même question : « Que peut-on faire pour mes douleurs dans les mollets et au début dans les os des tibias ? ». La réponse a toujours été la même : « Vous savez maintenant marcher et même courir, vous avez eu beaucoup de chance et les douleurs passeront d’elles-mêmes ». Lorsque l’on a eu un Guillain-Barré, on essaye d’économiser ses mouvements mais au contraire, il faut petit à petit refaire un entraînement (par ex : 10 minutes de vélo d’appartement par jour) afin de remuscler ses jambes. Mais je me rappelle avoir voulu refaire trop vite une heure de natation (doucement) et il m’a fallu une semaine pour m’en remettre.
Après ces 2 ans, on m’a demandé si j’étais d’accord pour que l’on fasse de manière anonyme une recherche sur mon ADN par rapport au Guillain-Barré dans un laboratoire hollandais. Ma réponse a, bien sûr, été positive. Lorsqu’on est passé par là et qu’on peut aider la recherche, il n’y aucune raison d’hésiter.
Incompréhensions et questions sur le SGB
Après mon hospitalisation, je suis resté encore en convalescence pendant 2 mois à la maison et j’ai voulu, croyant être guéri, recommencer à travailler à temps plein. J’ai vite compris que cela n’était pas aussi rapide et qu’il me faudrait encore du temps. Mais combien ? Même si chez mon employeur on s’est rendu compte de la gravité de la maladie, la convalescence de 3 ans n’a pas été comprise et cela m’a valu indirectement des reproches. Je n’avais visiblement pas assez de douleurs dans les jambes et je n’étais pas suffisamment fatigué aux yeux de certains.
Aujourd’hui, après 5 ans, j’ai finalement décidé de mettre sur papier ce qui était au fond de moi-même et de me dire qu’en effet, j’avais eu beaucoup de chance car le traitement avait fonctionné directement. Lorsque l’on me demande si je suis guéri, je réponds : oui à 99 %. Mes mollets sont encore, de temps en temps, un peu douloureux et une fatigue persiste, mais je fais avec. Une question de mes collègues qui revient souvent : « Comment as-tu fait pour attraper cela ? ». Ma réponse : « Je me suis contenté de respirer ». Le Guillain-Barré, une maladie rare mais sur la semaine, j’étais le troisième qui rentrait à l’hôpital avec cette pathologie. La personne qui est rentrée le même jour que moi était encore à l’hôpital 3 mois après.
Je ne sais toujours pas la raison de mon Guillain-Barré.