Je me réveillais avec une paralysie faciale : le Guillain-Barré évoluait toujours. Les immunoglobulines avaient masqué sa progression.

Je m’appelle Constance, j’ai 35 ans, et je suis sortie du service de neurologie du professeur Saïd de l’hôpital du Kremlin-Bicêtre il y a cinq jours, où je suis restée 19 jours en observation pour un syndrome de Guillain-Barré établi aux urgences du même hôpital le 19 avril dernier.

Constance, 35 ans

Guillain-Barré à 35 ans (en 2004)

Une simple dépression ?

Tout a commencé par un long épisode de grippe intestinale. Je suis restée plus de trois semaines à avoir mal au ventre, à alterner les ballonnements et les diarrhées. Et je me sentais de plus en plus fatiguée.

Le 10 avril, je suis pourtant allée à mon cours de danse orientale. Mais le lendemain, j’ai eu une violente douleur dans l’épaule gauche, avec des irradiations dans tout le bras. On travaille beaucoup les bras, en danse orientale, mais tout de même ! Une douleur comme celle-là me semblait incroyable. Par ailleurs, je n’avais pas eu la sensation, en dansant, de me déchirer un muscle.

Cette nuit-là, la douleur m’a empêchée de dormir et, dès le lendemain matin, je suis allée en urgence consulter le médecin de garde. À bout de forces, j’ai commencé par pleurer dans son cabinet. Je lui ai raconté mon histoire, en hoquetant.

Le diagnostic du docteur à été assez simple (pour ne pas dire simpliste) : dépression. Elle m’a conseillé de prendre rendez-vous avec mon généraliste et de commencer une cure de Prozac ! Je suis sortie du cabinet tout à fait désorientée et loin d’être rassurée. Au fond de moi, je savais qu’il ne s’agissait pas de dépression.

Premiers fourmillements dans les mains et les pieds

Le kiné que j’ai vu pendant la semaine suivante ne parvenait pas à comprendre cette douleur au bras et m’a conseillé de voir un rhumatologue. Le 11 avril, les premiers fourmillements dans les deux mains et les deux pieds se sont fait sentir. Le surlendemain, j’avançais très lentement (il me fallait un quart d’heure pour faire un trajet que je faisais ordinairement en une ou deux minutes), et je déployais une énergie considérable pour monter mes escaliers.

J’avais, de plus, des pertes d’équilibre et je me rattrapais aux murs, chez moi, pour ne pas tomber. Mon médecin généraliste a également attribué ces fourmillements et cette fatigue à du stress. Cela n’a fait qu’amplifier mon angoisse. Je ne comprenais pas ce qui était en train de m’arriver.

C’est ma patronne, à laquelle j’annonçais pour la troisième semaine consécutive que je n’irai pas travailler (je suis éditrice de livres pour enfants), qui m’a conseillé d’aller aux urgences. Je la remercie encore pour m’avoir donné ce précieux conseil. J’ai donc demandé à mon mari de m’emmener aux urgences de l’hôpital Bicêtre où nous avons un ami interne.

Le syndrome de Guillain-Barré enfin identifié

Je craignais beaucoup que l’on me dise ce que l’on m’avait dit jusqu’alors : que je n’avais rien, que je devais arrêter de stresser et que cela irait mieux. Or, le médecin a tout de suite compris ce que j’avais. Il m’a orientée vers son collègue neurologue qui, après un rapide examen clinique, a hoché la tête d’un air entendu. « Ça vous fait penser à quelque chose, docteur ? » ai-je demandé. « Oui, je suis à peu près sûr du diagnostic, a-t-il dit, mais nous allons faire un électromyogramme et une ponction lombaire pour le confirmer. » «  Qu’est-ce que j’ai, docteur ? » . «  Un syndrome de Guillain-Barré » .

Je n’avais jamais entendu parler de cette maladie. Le docteur m’a tout de suite assuré que c’était une maladie entièrement réversible dans presque 100 % des cas. Par contre, son évolution était incertaine. On pouvait très vite, ou plus lentement, se retrouver partiellement ou entièrement paralysé, et la durée de la maladie était variable : une semaine d’hospitalisation, un mois, six mois, un an… Il n’était pas capable, pour l’instant, de se prononcer.

J’étais à la fois soulagée que l’on ait identifié et compris la cause de mes maux, mais aussi terrifiée par l’avenir.

Je fus hospitalisée le soir même et le traitement aux immunoglobulines commença dès le surlendemain.

Le traitement a si bien marché dans mon cas, qu’au bout d’une semaine, l’on m’autorisa une « permission de sortie » chez moi pour le week-end. Selon le professeur, j’avais déjà atteint ma phase de « plateau » et même sans doute entamé la phase de régression de la maladie. J’étais folle de joie, je n’osais presque pas y croire : j’étais tirée d’affaire !

Une fausse joie

Pourtant, chez moi, je me suis sentie très fatiguée. Je ne parvenais pas à rester à table, et je devais me coucher toutes les cinq minutes. J’étais à la fois ravie de voir mes deux enfants (5 ans 1/2 et 2 ans), et à la fois si fatiguée que je préférai retourner plus tôt que prévu à l’hôpital.

Mon mari me ramena dans ma chambre d’hôpital dans l’après-midi du dimanche. Le lendemain -jour où je devais sortir de l’hôpital- je me réveillais avec une paralysie faciale du côté gauche. La maladie était toujours en train d’évoluer : les immunoglobulines avaient simplement masqué sa progression. J’ai eu très peur à ce moment-là. Plus que tout, je craignais que la paralysie affecte le diaphragme et provoque un accident respiratoire (cela, je le craignais depuis le début, mais la peur est devenue très vive à ce moment-là). J’avais peur aussi qu’elle n’affecte mon visage tout entier.

Le soutien de mes proches, constant depuis le début, s’est renforcé. Ainsi soutenue, j’ai vraiment fait un effort pour garder l’espoir et le moral. Je me répétais notamment que la maladie, quel que soit son degré d’évolution, était de toute façon réversible, et que j’avais de la chance. Ce que je voyais autour de moi dans le service de neurologie était loin d’être aussi optimiste.

La paralysie faciale décroit et je sors de l’hôpital

À partir de là, la maladie cessa son évolution. Au bout de cinq jours, le professeur Saïd, convaincu que j’avais atteint la phase de plateau, me proposa de rentrer chez moi, mais je préférai rester encore quelques jours de plus pour être assurée que non seulement le plateau de la maladie était atteint, mais qu’elle commençait bien à régresser. La paralysie faciale commença à décroître, et je suis sortie de l’hôpital le 7 mai dernier, sans plus de craintes.

Aujourd’hui, j’ai toujours autant de fourmillements dans les pieds et les mains, ma fatigue est très grande, mais j’ai commencé une rééducation alternée : chez un kiné et en balnéothérapie, depuis quelques jours. Je constate des progrès infimes : je sors de mon bain sans aide, par exemple, ou encore, je suis capable de parcourir des distances plus importantes plus facilement. Je ne sors pas encore seule dans la rue, car ma faiblesse est grande, mais ces promenades me font du bien. Le côté gauche de mon visage a presque entièrement récupéré, mon sourire n’est pas aussi large qu’auparavant du côté gauche, mais je ne désespère pas qu’il le redevienne !

Il y a des jours « avec  » et des jours « sans ». Des jours pleins d’optimisme, d’envies et des jours moroses, où la fatigue m’aspire. Je garde malgré tout le moral : je sais que d’ici quelques mois je serai remise. J’ai envie de courir à nouveau, de bondir avec mes enfants. Je sais que cela sera possible à plus ou moins longue échéance.

Pleurer pour libérer l’angoisse

Je voudrais dire à tous les malades du syndrome de Guillain-Barré de garder l’espoir, le moral, de ne surtout pas hésiter à pleurer. Cela m’a aidée à évacuer la peur, les tensions lors de mon hospitalisation et je crois que les gens qui pleurent s’en sortent mieux que les autres car le syndrome du Guillain-Barré est une maladie anxiogène par nature et je crois sincèrement qu’il est important de libérer cette angoisse.

Par-dessus tout, il faut garder à l’esprit que l’on s’en sort, compter sur les proches et puiser en nous-mêmes ce que l’on ne soupçonne pas toujours avant cette épreuve : les ressources immenses que nous avons en matière de combativité, de patience, et d’espoir.