A tous, parents, frères, sœurs de patients atteints du Guillain-Barré : tenez bon, gardez espoir, restez patients, ne pensez pas au lendemain.

J’apporte ici mon témoignage sur le Guillain-Barré en tant que maman d’une victime de ce syndrome, forme fulgurante. Ma fille Jeanne a eu de fortes fièvres 39/40° durant 8 jours avec vomissements et apparition d’une boule de quelques centimètres au niveau du cou sur la droite. Trois visites chez deux médecins différents ne nous ont pas aidés. « C’est grippal, prenez du Dafalgan » .

Françoise témoigne pour sa fille Jeanne

Guillain-Barré à 22 ans (en 2013)

Une ponction lombaire pour diagnostiquer le Guillain-Barré

Le jour où la fièvre est tombée (1er mai 2013) le premier symptôme est apparu : engourdissement de la main puis dans la nuit et le lendemain, les pieds, les jambes, perte de puissance dans la voix, problèmes de déglutition .J’emmène Jeanne le 2 mai chez notre médecin généraliste qui nous envoie immédiatement aux urgences. Apres plusieurs examens (radio thorax, scanner cérébral, etc) c’est la ponction lombaire qui permet d’établir le diagnostic du Guillain-Barré.

Jeanne est hospitalisée en soins intensifs le 2 mai au soir et traitée directement aux gammaglobulines durant 5 jours. Elle est placée sous respiration artificielle avec intubation dès le 3 mai, soit 48 heures après ses premiers engourdissements. Une sonde urinaire est installée, une sonde gastrique aussi, elle a des tuyaux de partout

Jeanne aura des séquelles graves du Guillain-Barré

A partir de là, son état empire durant 6 jours. C’est la descente aux enfers. Elle devient totalement paralysée, les paupières sont fermées, elle ne bouge plus, son cœur s’emballe, sa tension monte et descend dans les extrêmes.. Jamais la mort n’est évoquée mais je sais que Jeanne n’en est pas passée loin.

Le 7 mai, rendez-vous est pris à notre demande (son papa, sa sœur et moi) avec une neurologue de l’hôpital, celle-là même qui a diagnostiqué le syndrome de Guillain-Barré chez notre Jeanne. Et là, alors que nous nous efforçons de tenir le coup face à l’état de Jeanne, que nous gardons espoir car nous savons que le Guillain-Barré est réversible, ce médecin nous annonce que nous devons nous préparer au pire. Même si Jeanne survit, elle aura des séquelles graves, le cerveau est atteint.

Garder espoir et rester fort

Comment expliquer l’état dans lequel je me suis retrouvée en sortant de cette discussion ? Comme si tout s’effondrait autour de moi. Et puis, grâce au papa de Jeanne qui nous a secoué un bon coup, nous avons repris espoir en nous souvenant du grand père paternel de Jeanne qui a fait aussi un syndrome de Guillain-Barré 21 ans plus tôt et qui n’en a gardé quasi aucune séquelle.

Il faut surtout garder l’espoir dans ce long chemin, rester fort, pour Jeanne qui souffre déjà tant.

Premiers progrès, dans la douleur

Du 8 au 11 mai, on parle d’une phase « plateau » et le 11 mai, voilà que la paupière droite s’ouvre lentement. Après, ce sera la reprise de légers mouvements de la paupière gauche, la tête, la mâchoire, la bouche, le haut du visage, le cou, les épaules, le thorax, le bassin… Ça rebouge dans la douleur mais on sait que tout reviendra. Jeanne est trachéotomisée le 14 mai, la respiration revient progressivement et définitivement le 11 juin, avec elle retour aussi à la parole ! Grand soulagement après 40 jours sans pouvoir parler.

Parallèlement aux douleurs physiques, Jeanne subit de terrifiantes hallucinations qui nous plongent dans une impuissance totale. Je garderai toujours en mémoire ses grands yeux terrifiés. Une fois qu’elle pouvait communiquer avec le système des lettres de l’alphabet et que nous avons pu savoir ce qu’elle hallucinait, c’était aussi terrible pour nous de par la violence de ces visions.

Jeanne quitte les soins intensifs après 2 mois pour rejoindre un centre de revalidation spécialisé en maladies neurologiques où elle restera 3 mois. Elle expérimente les fauteuils roulants, les rollateurs, les appareils sophistiqués de kinésithérapie.

Un rétablissement remarquable

Cela fait 1 mois que Jeanne est revenue à la maison. Elle fait de la kiné tous les jours, marche en s’aidant d’un bâton de randonnée. Les gros orteils de ses 2 pieds ne sont pas encore « réveillés ». Elle porte des orthèses pour éviter de se croquer un orteil, les douleurs aigues et encore fortes subsistent au niveau des pieds.

Nous sommes à six mois après le début des symptômes de cette forme fulgurante du Guillain-Barré, les médecins trouvent que le rétablissement de Jeanne est remarquable au niveau temps. Pour Jeanne et pour nous, c’est long…

Je voudrais aussi dire combien le moral de Jeanne a été capital dans sa revalidation, une fois qu’elle a compris que tout reviendrai, elle a été très positive.

Réflexions d’une maman en détresse

Pour moi sa maman, la première quinzaine a été la plus difficile car j’ai pensé que Jeanne ne sortirai pas vivante. Par la suite, je savais qu’elle allait récupérer mais j’avais deux grandes peurs. La première était : dans quel état ? Jeanne restera-t-elle en partie paralysée, conservera-t-elle ses tremblements de tête, des membres ? La deuxième peur était liée aux infections opportunistes qu’elle attrapait, pneumonie, infections urinaires et puis quoi d’autre ?

Je faisais le trajet (1 heure aller-retour) depuis mon domicile vers l’hôpital le midi et le soir. Combien de fois des pensées morbides et sombres ne m’ont-elles pas envahies ? Je n’ai jamais autant pleuré de toute ma vie. Rester forte en rentrant dans le service des soins intensifs, ne pas craquer, il faut tenir, et une fois sortie, l’épuisement psychique … (Respirer des bonnes huiles essentielles m’ont beaucoup aidée.)

A tous, parents, frères, sœurs de patients atteints de ce syndrome de Guillain-Barré, je voudrais dire courage, tenez bon, gardez espoir, restez patients, très patients et surtout ne pensez pas au lendemain. Pensez au jour présent, « un jour à la fois », le chemin est long, difficile, il faut rester concentré sur la guérison, ne pas se laisser envahir de pensées négatives.

Si les victimes du syndrome de Guillain-Barré sont à jamais marqués, leurs proches ne sortent pas indemnes de cette « aventure ». On a beau savoir que cela existe, quand ça vous tombe dessus, vous n’êtes plus bon à grand-chose. Je viens de l’expérimenter durant ce mois passé. Et si j’ai enfin pu écrire ce témoignage sur le Guillain-Barré de ma fille, c’est que je sens que je retrouve l’énergie qui m’avait quittée.