Le neurologue désigné par l’armée considère que je simule puisque le syndrome de Guillain Barré ne laisse aucune séquelles officiellement.
J’ai subi cette maladie de Guillain-Barré au cours de mon service militaire. C’était en 1995, au mois de mars, à partir de 2 heures du matin. Au cours d’une garde, j’ai senti ce que les médecins appellent la chaussette : fourmillement jusqu’au dessous des genoux (taille standard des chaussettes de l’armée). Par chance, cette maladie est reconnue comme maladie professionnelle pour l’armée. Probablement suite aux nombreux cas de soldats et gendarmes atteints.
Christophe
Guillain-Barré en 1995
Les premier fourmillements
A 6 heures, difficultés pour respirer, équilibre précaire et chute au milieu de la cour d’honneur. Il me faut 30 minutes pour trouver un poteau et me relever. Je vais directement à l’infirmerie ou l’aspirant de garde pense à une lombalgie et me consigne 48 heures en chambre. Pas d’appétit, sueurs, mal de dos, vertiges… et ces fourmillements aux niveaux des jambes qui persistent, Ayant déjà eu les vertèbres bloquées au cours d’un match de rugby, je pense alors que cela vient de là. Je vais donc voir un ostéopathe qui me libère temporairement. Par contre, il soupçonne quelque chose de beaucoup plus grave et me conseille fortement de revoir le médecin.
4 jours après ma visite initiale à l’infirmerie, je demande une ambulance : grosse oppression respiratoire, vertiges et pertes d’équilibre à répétitions, vision double. Et les picotements atteignent les mains.
L’aspirant, à mon arrivée, appelle immédiatement le SAMU me disant que son diagnostic penche vers le syndrome de Guillain-Barré. J’ai de la chance parce que sortant de son école de médecine, c’est l’une des dernières maladies qu’il a étudié. Le médecin du SAMU, après un rapide examen, confirme le diagnostic. Direction le service de Réa du CHD de Bellepierre (Réunion, ou j’étais détaché après un séjour à Berlin et suite à une flopée de vaccin méthode militaire).
Aucun médecin n’a voulu prendre l’initiative de répondre à mes interrogations. Ayant encore mes bras suffisamment forts, j’ai étranglé (désolé mais bon, question communication, il y a du boulot dans le personnel médical) l’infirmier qui s’occupait de moi (c’est d’ailleurs devenu un ami) pour avoir des explications.
Un voyage autour du monde sans quitter mon lit
Je suis resté conscient 4 jours avant de sombrer et me réveiller à Paris, au Val de Grâce, mi-juin. Quadriplégie, paralysie oculaire, la totale ! Miracle si je m’en suis sorti, sans doute dû, d’après les responsables du service de l’époque, à mon excellent état physique (tri athlète amateur).
Le semi coma m’a permis de voyager autour du monde sans quitter mon lit, délire super. Ce qu’il y a de bizarre, c’est que dans mes rêves, j’étais parfaitement conscient que je ne bougeais aucun membre, je n’ai donc pas été scandalisé quand j’ai repris mes esprits.
Le 17 Juillet, mon épaule gauche bouge et on peut me mettre assis, la trachéo est terminée, je peux reparler immédiatement.
Des nuits et des jours a serrer les dents
J’ai des douleurs dans les membres inimaginables dues à la repousse de la myéline du haut des épaules vers les mains, et du haut des cuisses jusqu’à mes pieds. Des nuits et des jours a serrer les dents parce que je n’ai pas d’anti-douleur. Ca dure encore aujourd’hui, surtout au niveau des pieds.
Je suis transféré à la partie droite des anciens combattants du Val de Grâce (la partie de droite quand vous regardez le dôme en face de vous), dont l’armée n’a pas eu la pudeur de préserver de l’accès des touristes. Je n’ai pas apprécié d’être pris en photo par un groupe de touristes américains.
Je suis en fauteuil électrique lourd, guidage par l’épaule gauche qui va de mieux en mieux. Le moral aussi va mieux, grâce aux antidépresseurs. A mon arrivé, le médecin chef en second m’affirme que je ne remarcherai plus jamais (par contre sur le rapport, il a seulement mentionné qu’il y avait un risque). Par contre, il était optimiste pour mes mains. Ma jeune compagne encaisse, serre les dents, et me soutient (une chance, parce que ce n’est pas le cas pour tous lorsqu’un accident de la vie intervient).
Je fais de l’ergothérapie, de la kiné et de la piscine (seul endroit ou je pouvais tenir debout à ce moment là).
Aucun kiné pour me prendre en charge
Août : vacances pour le service médical et les kinés. Les étudiants qui préparent les examens nous prennent comme cobayes, ce que nous apprécions moyennement (surtout les anciens commandos rentrant de Sarajevo). Je n’ai plus de fauteuil électrique à ce moment-là (j’en ai eu 2 différents). Des orthèses ont été préparées, mais pas de kiné pour me prendre en charge (souvenez vous, c’était l’époque des attentats de Saint-Michel et bon nombre de victimes civiles ont été transférées aux hôpitaux militaires, provoquant une affluence record).
Je me mets aux barres parallèles seul. Mes pieds sont raides comme du bois, puisqu’ils ne sont plus « mobilisés » depuis 1 mois. J’avais l’impression de marcher sur du verre tellement ils étaient raides mais qu’ils me faisaient aussi souffrir.
A croire, en plus, que je fais semblant
20 Octobre, je suis envoyé en détachement des personnels isolés (à la maison, quoi). Je vais 3 fois par semaine en hospitalisation de jour avec cannes anglaises et orthèses.
Décembre, plus d’orthèses et viré de l’armée : marche ou crève (ben quand tu marches plus, tu crèves, c’est simple à comprendre). Je pense voir trouble et avoir perdu de la sensibilité auditive. Examen de l’armée : RAS, à croire en plus que je fais semblant.
Janvier, une canne et une autonomie estimée à 100 mètres.
Avril, nous rentrons à la Réunion, autonomie 250 mètres.
Affaire classée pour les médecins
Les années ont passé, j’ai toujours des fatigues assez fréquentes (raison pour laquelle je n’ai pas réussi à rester au sein de mes emplois). J’ai des « fourmis » 24/24h aux niveaux des pieds. Mes releveurs se bloquent à la position perpendiculaire et ça suffit pour marcher. Quant à mes yeux, ils ne sont plus ce qu’ils étaient.
Le neurologue expert désigné par l’armée considère que je simule puisque le syndrome de Guillain Barré ne laisse aucune séquelles officiellement. Même lorsqu’il me dit que s’il voulait il pourrait demander un électromyogramme pour vérifier, et que je lui réponds : « Allez-y, pas de soucis », il a tout juste un doute. Un de ses amis a eu le syndrome et s’en est remis au bout de trois mois, c’est uniquement sur ces faits qu’il croit que tout est pareil pour tous les malades.
L’ophtalmo considère quant à lui qu’il n’y a aucune relation de cause à effet entre mes problèmes oculaires et le syndrome de Guillain Barré. Et en plus je dois être d’accord, parce qu’il n’a pas envie d’étudier le dossier plus avant.
Reste mon médecin traitant, que je vois tous les 3 mois. Il vient de m’apprendre qu’il était lui aussi médecin expert. Et qu’il connaît mon dossier. Et qu’il reconnaît que mon état était des plus graves.