Lorsque les premiers mouvements redeviennent possibles, malgré les efforts qu’ils demandent, c’est une joie indescriptible.
Une possible hépatite C, contractée en 1960 mais que les analyses n’ont jamais pu confirmer, ou une grippe développée en février 1999, sont-elles à l’origine de ma polyradiculonévrite ? Je l’ignore. Ce qui est certain, c’est que ma santé était plutôt satisfaisante et que jamais je n’avais été atteint de maladie grave. Cependant, le 12 avril 1999…
Guy, 65 ans
Guillain-Barré à 62 ans (en 1999)
Chronologie de mon Guillain-Barré
Le 12/04/99 : Premier symptôme : vive douleur sous l’omoplate droite.
Du 22/04/99 au 04/05/99 : Premier séjour en clinique.
Du 14/06/99 au 15/07/99 : Second séjour dans la même clinique.
Du 15/07/99 au 13/08/99 : Séjour à l’hôpital du Haut L’évêque à Pessac (Près de Bordeaux). Suivent une rééducation intensive et mon retour à Pessac pour divers contrôles et perfusions d’immunoglobuline à l’hôpital Pellegrin de Bordeaux.
Le 04/10/00 : Dernière consultation à Pessac et conclusion : polyradiculonévrite aiguë sans aucun argument pour un passage à la chronicité. Récupération remarquable à 18 mois.
Le 16/01/02 : Suite à des douleurs sous les omoplates, consultation chez le neurologue : inquiétude infondée, pas de récidive, confirmation de polyradiculonévrite non chronique. Excellente récupération.
Premier séjour aux soins intensifs
Dans l’ordre, évolution de la maladie les 10 premiers jours : Vive douleur sous l’omoplate droite, quelques séances de kinésithérapie, piqûres analgésiques : la douleur persiste. Radios de la colonne et des poumons, analyses de sang, consultation chez le cardiologue. Gêne respiratoire, grande fatigue. Paralysie faciale et légers troubles d’équilibre dont je n’ai pas conscience. Admission en clinique, aux soins intensifs.
Au cours de ce premier séjour, de nombreux examens sont effectués et bien que très affaibli, je me déplace tout de même sans aide. Diagnostic : multinévrite. Ma sortie est décidée au bout de 2 semaines.
Les mouvements élémentaires deviennent impossibles
Cinq semaines plus tard, les troubles réapparaissent. Diagnostic : dépression nerveuse. Peu après, mes jambes sont paralysées et un nouveau séjour en clinique s’impose. Par la suite, toutes les fonctions se dégradent très vite et la paralysie des membres supérieurs s’installe à son tour, accompagnée d’importantes difficultés respiratoires. De très nombreuses investigations suivent. Je me retrouve rapidement totalement invalide, entièrement dépendant, les mouvements les plus élémentaires deviennent impossibles. Heureusement, mon épouse et mon frère se relayent à mon chevet, nuit et jour, avec un dévouement extraordinaire ; en plus du considérable soutien psychologique, ils assurent les fonctions que cet établissement n’est pas en mesure de fournir.
Finalement, au cours de ce deuxième séjour en clinique, les médecins contactent le service de neurologie de l’hôpital du Haut l’Evêque à Pessac, près de Bordeaux, où mon admission est enfin décidée, mais avec un délai de près de trois semaines. A Pessac, mon cas est jugé très grave et l’on déplore une arrivée si tardive. « Il fallait nous préciser la gravité de votre état », nous dit-on.
Polyradiculonévrite chronique évolutive
Dès le lendemain, diagnostic : Polyradiculonévrite chronique évolutive. Inutile ensuite, je pense, de comptabiliser les innombrables analyses, radios, électromyogrammes, ponctions, biopsies, échographies, perfusions, injections, perfusions d’immunoglobulines, plasmaphérèses -très efficaces-, ni les innombrables médicaments absorbés. Tout cela assuré par un personnel particulièrement compétent et dévoué (disposant de moyens d’investigation et de confort adaptés), me permet de sortir lentement d’une torpeur indéfinissable dans laquelle je suis tombé. La consommation de morphine et de corticoïdes, dans l’attente de l’admission à Pessac, en est en grande partie la cause.
La récupération progressive
Mes forces réapparaissent lentement. Date mémorable : le 31 juillet 99, je me mets debout pour la première fois… Les progrès sont relativement rapides, mais le petit trajet de la chambre d’hôpital au véhicule sanitaire léger de retour chez nous nécessite encore le fauteuil roulant.
Suit la rééducation, épuisante. Mais les progrès constants permettent de se surpasser. Actuellement, de très légères séquelles subsistent : petits tremblements de la main et de l’avant-bras droits que je m’efforce de dissimuler, légère fatigue générale permanente, principalement les jambes qui restent lourdes. Les termes le plus souvent utilisés par les nombreux témoignages de ce site (apparition soudaine et imprévue, rapidité d’évolution, descente aux enfers, paralysie et dépendance totales, périodes émotionnelles terribles, angoisse pour l’immédiat et pour le futur, le moindre effort devient surhumain, déchéance, humiliation), me semblent tous parfaitement adaptés.
L’entourage familial est primordial
Comprendre les attentes du malade, qu’il ne sait pas lui-même évaluer et encore moins exprimer, est certainement malaisé. Si l’on souhaite préserver les enfants et petits-enfants, une réflexion s’impose : les jeunes enfants ont une sensibilité différente de celle des adultes. Voir un proche sur un fauteuil roulant, par exemple, ne semble pas les choquer ; en revanche, ne jamais leur laisser voir le parent, même très atteint, peut être mal perçu et leur laisser craindre le pire. Dès que l’on reprend conscience, au propre comme au figuré, il faut se battre jusqu’à l’épuisement, ne pas perdre espoir ; à part quelques cas gravissimes, le bout du tunnel est forcément devant soi.
Réflexions sur mon expérience du Guillain-Barré
En ce qui me concerne, les moments les plus angoissants ont été ceux où l’on manque d’air, au point de souhaiter perdre connaissance pour avoir droit à une assistance respiratoire. Et pire, lorsque enfin on est entendu mais que l’on comprend que le personnel présent ignore tout de l’utilisation du matériel. Eventuellement, il ne faut pas hésiter à insister pour obtenir une assistance respiratoire.
Plus tard, lorsque les premiers mouvements redeviennent possibles, malgré les efforts qu’ils demandent, c’est une joie indescriptible. Longtemps après, tous les matins devant le miroir, pouvoir sans aide, sans fauteuil spécial et presque sans effort, pouvoir simplement se raser, c’est un bonheur que l’on ne peut imaginer. Si je n’avais qu’un seul conseil à donner, ce serait celui de ne pas s’éterniser dans un centre de soins manifestement inadapté et pas en mesure de traiter une affection aussi lourde (entre temps la maladie s’aggrave).
Le choix -difficile- de l’établissement est extrêmement important : pose du diagnostic, compétence du personnel, équipement adapté (être « déposé » sur une mauvaise chaise percée pendant longtemps est très douloureux, être « jeté » sur le lit par des aides soignantes ne connaissant pas les gestes techniques adaptés n’est pas admissible). Bien que très fortement atteint et n’ayant plus ma capacité de jugement, j’ai eu l’impression de « changer de planète » à mon arrivée, beaucoup trop tardive, à l’hôpital du Haut l’Evêque. J’ai d’ailleurs attendu près de trois ans avant de m’exprimer ici afin de ne pas être trop critique à ce sujet.
En revanche je ne serai jamais assez élogieux et ne remercierai jamais assez le personnel, du chef de service aux aides soignantes, de l’hôpital du Haut L’Evêque. En tête de liste, le Dr Pedespan et Monique (aide soignante, qui n’a pas son pareil pour déplacer un paralysé, dénicher un ventilateur, dépanner un accessoire déficient…).
Message d’espoir à ceux qui souffrent
Après tant d’horribles moments, la vie reprend le dessus et l’on est infiniment plus apte ensuite à l’apprécier. Oui vraiment, Roberto Benigni, le réalisateur du film « La vie est belle », a bien raison de le rappeler. Un très grand merci à Fred pour avoir créé ce site et bon courage à tous.