Je n’ai quasiment pas de séquelles de mon Guillain-Barré mais j’ai une peur noire de rechuter.

Mon Guillain-Barré est-il une conséquence de la varicelle que j’avais à l’époque depuis huit jours, d’une mononucléose infectieuse cachée découverte a posteriori dans mes analyses, ou tout simplement du stress dans lequel j’étais à cette époque ? Je ne le saurai jamais. Je suis également troublé par le fait qu’il y a eu cet hiver-là trois Guillain-Barré dans la ville de 11.000 habitants de la région Parisienne où j’habite. Ce qui n’avait statistiquement qu’une chance sur 40.000 de se produire.

Jean-Pierre, 45 ans

Guillain-Barré à 44 ans (en 2000)

10 jours de descente aux enfers

Toujours est-il que je me suis réveillé le 24 janvier 2000 au matin avec des engourdissements très prononcés dans les mains et les pieds. Après une demi-journée d’hésitations, mon médecin m’envoie chez un neurologue qui m’expédie immédiatement à Garches, alors que déjà, je ne peux plus marcher.

La descente aux enfers dura dix jours : pose d’une sonde gastrique le deuxième jour, trou dans la vessie le troisième pour évacuer l’urine, intubation le cinquième car j’étouffe, déclenchement d’une infection pulmonaire grave le septième. Une semaine après mon entrée à l’hôpital, j’étais un légume infecté qui ne bougeait plus que les paupières. Cette situation perdura dix jours, avant que les immunoglobulines ne fassent leurs effets.

L’intubation fut pour moi un soulagement

Que dire de cette période ? D’abord que la période pré-intubation fut pour moi la pire, à cause des angoisses suscitées par la maladie qui progressait inexorablement et aussi car il m’était impossible de dormir. Mes problèmes respiratoires empêchaient qu’on me donne des somnifères et mon incapacité à avaler ma salive nécessitait l’usage, en permanence, d’un aspirateur à salive. En outre, ne pas savoir où étaient mes mains et mes pieds était un sentiment horrible. Si j’avais pu sauter par la fenêtre à ce moment-là, je l’aurais fait.

L’intubation fut donc pour moi un soulagement, car on put alors me droguer. Elle déclencha en moi des hallucinations et certains délires. J’étais à moitié mort, mais aussi sur mon nuage, sans me poser de questions. Par contre, c’est ma famille qui angoissa à ce moment-là, d’autant que l’infection pulmonaire n’arrangeait rien.

Quel bonheur de quitter enfin le bloc de réanimation !

Le retrait du tube au bout de dix jours, ainsi que de la sonde gastrique trois jours plus tard, sonnèrent comme un retour à la vie. Ah le bonheur de redevenir lucide ! Ah le bonheur de manger par la bouche la nourriture liquide de l’hôpital ! Ah le bonheur de quitter enfin le bloc de réanimation et de pouvoir regarder la télévision !

Mais la route était encore longue, avec ses journées interminables et son sentiment insupportable de déchéance et d’inutilité. S’asseoir fut au départ une épreuve. Essayer de se laver seul dans son lit un calvaire. Réapprendre progressivement la marche un défi. Les 60 séances de kiné un parcours du combattant. Mais, après ce que j’avais connu, j‘étais animé d’une volonté de fer, et j’eus la chance que tout aille beaucoup plus vite que ne l’avaient pronostiqué les médecins.

Le 6 mars je sortais de l’hôpital, le lendemain je conduisais ma voiture, en mai je rejouais au tennis, en juin je reprenais le travail.

Le sentiment d’être inutile

J’avais la chance extraordinaire de me remettre à grande vitesse. Et pourtant… c’est là que je me mis à déprimer. Une dépression épouvantable, complètement contradictoire avec ce que j’étais avant la maladie, complètement irrationnelle aussi. Le sentiment d’être inutile, le goût à rien ou presque. Ma famille, qui avait été formidable dans les phases antérieures, n’a pas pu répondre à ce problème car elle vivait elle-même alors un contrecoup difficile à assumer. Les amis, très présents lorsque j’étais hospitalisé, se sont faits rares ensuite s’imaginant que, parce que j’étais rentré à la maison, tout était terminé. Les traitements (antidépresseurs, psychothérapie) m’ont un peu aidé, mais sans plus.

L’anniversaire de ma maladie, ces jours-ci, me fait revivre par la pensée ce que j’ai vécu un an auparavant et ne facilite pas les choses.

Quasiment pas de séquelles mais…

En termes de séquelles, je n’en ai pas ou quasiment pas, mais j’ai parfois au réveil des engourdissements très forts dans les mains et les pieds, qui passent très vite, mais qui m’angoissent car j’ai une peur noire de rechuter. Ce qui me frappe, c’est que ces engourdissements reviennent lorsque je vais plus mal psychologiquement. Par contre, j’ai beaucoup perdu en mémoire et en punch. Et je suis sans doute plus fatigable, voire moins patient.

Au niveau de mon travail, j’ai la chance d’être dans un environnement très compréhensif, qui m’a ménagé une reprise en douceur. Ne pas être pour l’instant sous forte pression au plan professionnel m’est indispensable physiquement. Mais cela ne me convient pas du tout au plan psychologique, car il renforce un certain sentiment de déchéance ou d’inutilité.