Je reste des semaines en neurologie. Je ne sais plus écrire, ni marcher, ni saisir. Je vomis dès que j’essaie de manger.

Le vendredi, une collègue me ramène de mon travail, je suis incapable de conduire. Je vois un médecin remplaçant. Verdict : spasmophilie. Et je repars avec une ordonnance de calcium et de paracétamol. Les choses empirent. Le dimanche matin, mon compagnon m’amène aux urgences. Je repars avec du paracétamol après une radio du crâne et une des poumons…

Aline, 44 ans

Guillain-Barré à 33 ans (en 1999)

Je ne fais pas semblant

Le lundi, je ne marche pratiquement plus, mon compagnon appelle mon médecin traitant qui lui explique qu’une femme, enseignante qui plus est, est fragile nerveusement et que « je m’écoute trop ». Il refuse de se déplacer pour venir me voir.

Cela fait une semaine que je souffre, que je ne peux ni dormir, ni pratiquement me déplacer. J’appelle un autre médecin, qui me croit enfin. Il me voit tomber quand je veux me lever (je me casse les dents de devant en voulant aller ouvrir la porte). Elle m’oriente vers un rhumatologue qui me prend en urgence. Ce dernier comprend rapidement que je ne fais pas semblant. je suis hospitalisée le jour même, soit une semaine après le début des douleurs.

Je ne sais plus écrire, ni marcher, ni saisir

L’interne qui m’accueille m’interroge et me dit : « Je crois savoir ce que vous avez ». Une ponction lombaire plus tard, je l’entends utiliser le terme de syndrome de Guillain-Barré pour la première fois. Je ne suis pas folle, c’est bien mon corps qui ne me répond plus. Je suis dans une chambre, mon visage s’est aussi déformé, il y a un chariot prêt pour l’intubation. Mais je tiens, je respire.

Après la ponction vient l’électromyogramme. ET après deux jours d’hospitalisation, les premières perfusions d’immunoglobuline passent. Le neurologue m’explique, me rassure. Les étudiants en médecine se succèdent auprès du « cas ». Les infirmières sont attentives et puis la nuit, cet infirmier qui masse mes jambes, mon dos pour soulager les douleurs… Je reste des semaines en neurologie. Je ne sais plus écrire, ni marcher, ni saisir. Je casse mes lunettes en essayant de les prendre… Je vomis dès que j’essaie de manger. Les douleurs sont toujours là…

Mon kiné, mon moteur

Enfin je suis transférée en rééducation. Ils vont voir ce qu’ils vont voir ! Avec mon kiné, Dominique, c’est un challenge chaque jours. Il me « pique » mon fauteuil, mon déambulateur, il me cache mes cannes. Je marche, je rampe, je me relève… Nous sommes en juillet, je remarcherai avant la fin de l’été.

Pas de séquelles sauf des raideurs

Ce qui a été le plus long : recourir… Plus d’un an après, je n’arrivais pas à donner cette impulsion nécessaire à la course. Aujourd’hui, 10 ans plus tard, je n’ai pas de séquelles sauf des raideurs au niveau des hanches, des tremblements. Mais surtout le souvenir de la douleur, ces douleurs incroyables que je ressentais sans raison apparente. Le souvenir aussi de mon médecin qui pensait que je m’écoutais…

Mon neurologue m’a dit que j’avais eu de « la chance » d’avoir une forme très douloureuse dès les premiers jours, ce qui m’a permis de ne pas attendre trop longtemps avant le diagnostic.

En rééducation j’ai croisé des gens formidables qui m’ont beaucoup aidé. Le kiné a vite compris que j’avais besoin de compétition pour avancer. L’année suivante, j’ai repris mes études, pour réussir ce que je n’avais pas encore tenté. C’était bien. Mais je ne suis pas sûre d’avoir compris la chance que j’avais d’être sortie vivante de cette maladie. C’est maintenant que je réalise vraiment… après 10 ans.