Parmi les troubles du Guillain-Barré : sa difficulté à communiquer. Oui, il cligne des yeux – Non, il reste figé. 45 minutes pour faire une phrase !

Jean souffrait d’un problème d’hernie discale depuis août 2008. Depuis janvier 2009, il avait repris son activité professionnelle, d’abord à mi-temps thérapeutique puis à plein temps. Une notion de gastro-entérite en janvier 2009, pas de syndrome grippal, ni de vaccination depuis.

Philippe témoigne pour son compagnon Jean, 45 ans

Guillain-Barré à 44 ans (en 2009)

Premiers troubles du Guillain-Barré

Week-end de Pâques 2009. Il fait beau, nous sommes au bord de la mer en Presqu’île Guérandaise. Nous déjeunons avec des amis face à la mer. Jean se sent fatigué depuis plusieurs jours et demande à s’allonger. Cette fatigue avait été précédée depuis 3 semaines par des sudations nocturnes très importantes.

Lundi de Pâques 13 avril 2009 : TGV de 21 heures vers Paris. Jean a des engourdissements (paresthésies) aux jambes et au visage. L’après-midi, il coupait encore les branches du mimosa !

Dans la nuit du 14 avril au 15 avril, il me réveille. Il titube, tient difficilement sur ses jambes. SOS Médecin à 4 heures, Urgences de l’Hôpital Cochin à 8 heures , Garches en réanimation à 15 heures . Le 16 avril, le diagnostic est avéré. Syndrome de Guillain-Barré :
• Paresthésie des pieds jusqu’aux chevilles
Hypoesthésie des mains
• Troubles de la proprioception des 4 membres

Un Syndrome de Guillain-Barré sévère

Sa sœur Véronique a eu à souffrir de la même maladie il y a 17 ans ! Pour autant, aucune recherche ne sera entreprise. La maladie progresse très rapidement vers une atteinte motrice sévère des quatre membres, du rachis, de l’oculomotricité, de la face et de la déglutition.

Jean est intubé dès le dimanche 19 avril au soir et mis sous ventilation mécanique. Le 15 mai, il est trachéotomisé. Nous ne nous reparlerons plus de vive voix avant le 21 juillet 2009 !

Jean aura à subir un syndrome de Guillain-Barré sévère et fulminant avec tétraplégie et atteinte respiratoire. Il surviendra également trois épisodes de pneumopathie infectieuse et des épisodes d’hallucinations visuelles morbides.

Je passerai ici sous silence mes différends (qui occupent aussi !) avec certains personnels soignants et notamment Médecins ou Internes, qui, peu téméraires, ne s’avancent pas ou plus ou vous prennent pour une plante verte dans un pot.

Heureusement j’avais l’exemple de la sœur de Jean (qui avait connus les troubles du Guillain-Barré), Internet (je sais à peu près me démerder avec) et nous avons bénéficié de la précieuse aide de la psychologue du Service. Elle aura été notre boussole et notre phare.

Nouveaux modes de communication

Au-delà du système hospitalier, de ses règles (horaires de visites par exemple), des codes difficilement compréhensibles dans la situation que l’on doit affronter, il faut reconnaitre que Jean a été parfaitement pris en charge et soigné à Garches. Tant en réanimation qu’en post-réanimation qu’il a rejoint le 20 juillet 2009 ou encore à Widal 1 à partir du 10 août 2009 en rééducation.

Depuis le 8 juin 2009, Jean était sorti de la phase « plateau ». Nous commencions à communiquer avec l’ardoise ! Cette foutue ardoise !! La journée de boulot dans les pattes, rejoindre Garches, se concentrer sur l’ardoise, sur les réponses de Jean : Oui, je cligne des yeux – Non, je reste figé …. Trois quart d’heure pour faire une phrase. Exténuant et parfois exaspérant pour l’un et l’autre.

Le 21 juillet on pose à Jean une canule parlante. De la magie ! Il parle. Il est le premier étonné et ne s’arrête plus. Il me dit m’avoir entendu arriver, quand bien même il ne pouvait pas bouger. Reconnaître mes pas, sentir ma présence et celles de quelques amis et de sa sœur, autorisés à lui rendre visite.

Des hauts et des bas

Le 25 août, la trachéotomie a été ôtée. Il a rejoint le Centre Marin de Pen-Bron de La Turballe (44) en rééducation, le 7 septembre 2009, région dont nous sommes natifs. Il a remarché pour la première fois fin septembre et s’est rendu à la salle de kiné pour la 1ère fois à pieds pour ses 45 ans : le 21 octobre 2009.

Une nouvelle phase s’amorce. Le ras le bol de l’enfermement, du personnel, de l’institution elle-même et ce même s’il rejoint notre maison de campagne située à 20 kms (à Paris nous vivons dans un phare, au 6ème étage sans ascenseur). Rejoindre le monde des valides ou rester dans celui des invalides ? Jean va devoir choisir. Le choix est bien entendu évident pour nous valides, mais redevenir autonome après une telle épreuve et tant de souffrances fait probablement très peur aussi.

Se projeter dans un futur à inventer

Nous sommes en phase de régression depuis une quinzaine de jours : retour au fauteuil roulant, le moral à marée basse. Jean a beaucoup de douleurs mais il ne supporte plus l’institution. C’est bon signe…

Jean est lucide. Je sais qu’il ne lâchera rien quand bien même s’il faut, par intervalles redonner quelques coups de manivelle, dire STOP, mettre des limites. Il s’en sortira sans séquelles. J’essaie qu’il en soit ainsi pour moi également. Je me fais aider psychologiquement depuis le début de la maladie. Outre ce qui m’est personnel, cela me permet de gérer et m’adapter aux situations successives, vaincre les découragements, mes peurs, m’autoriser à vivre… Et aussi me projeter dans un futur à inventer avec Jean, quand bien même je sais qu’il ne sera pas le même homme. Je suis prêt. Moi-même je ne suis déjà plus le même et j’accepte que tous les champs des possibles soient ouverts.

Des troubles du Guillain-Barré au-delà de la maladie

Je quitte mon travail à la fin de l’année. Je suis en couple avec Jean depuis près de 19 ans et cette longue épreuve a également fatigué ma carcasse. Je vais me « pauser » le temps qu’il faut pour recharger mes moteurs. Le prochain message sera peut-être un message de Jean, s’il le décide. Il m’en a parlé… mais ce sera probablement pour quand il sera guéri et qu’il aura laissé derrière lui les troubles de son Guillain-Barré.

Merci à tous ceux qui ont entouré Jean et fait que les murs de ses chambres successives ont été tapissés de cartes postales. Merci aux ami(e)s, à nos familles qui m’ont permis de souffler de temps en temps en me relayant à ses côtés. Merci aux équipes de l’Ouest qui désormais sont les garantes de sa stimulation sur Pen-Bron. Un clin d’œil particulier à Clément, à Gérald et à MH.

Kénavo avechal, Philippe