Les médecins disaient que j’allais courir comme une majorette. 35 ans après, je n’ai retrouvé ni mes releveurs de pieds, ni ma sensibilité.

C’était en Septembre 1967. J’en avais assez de la vie Parisienne et étais décidée à m’expatrier pour “connaître autre chose”. Je suis partie en Afrique, à Bangui. J’avais pourtant un bon job comme secrétaire de direction pour un grand magasin.

Joceline, 56 ans

Guillain-Barré à 21 ans (en 1967)

On a dû me rapatrier d’urgence sur Paris

A vrai dire, je ne suis restée que 2 mois en Afrique. En effet, embauchée dans une librairie, je voulais “attraper” un dossier sur une étagère et je me suis retrouvée à faire le grand écart, sans trop savoir comment. “Sans doute la chaleur”, ai-je pensé. J’avais des fourmillements dans les pieds mais… Le lendemain, c’est monté encore un peu plus haut et là on m’a envoyé à l’hôpital local.

On m’a fait des analyses que l’on a envoyées à l’institut Pasteur. Tout cela a bien duré 15 jours, mais on n’avait rien décelé (j’ai appris plus tard “qu’ils s’étaient trompés d’analyses”). On me mettait au soleil pensant que cela me faisait du bien aux os, jusqu’au moment où l’on a dû me rapatrier d’urgence sur Paris. Je n’avais plus que mes bras qui étaient encore mobiles, et mon petit doigt de la main droite (comme ça je pouvais encore fumer dans l’avion).

J’étais le phénomène du moment

En fait, j’aurais pu mourir dans l’avion (sans accompagnateur), puisque cela progressais chaque jour. Arrivée à Roissy, je suis passée par le Service Médical. Le médecin de garde m’a dit que c’était probablement une polio que je faisais. Inutile de vous décrire la tête de mes parents qui étaient venus me chercher alors que je ne leur avais pas dit que j’étais paralysée. Comme j’étais un peu énervée, ça ne s’est pas très bien passé entre le médecin et moi… Ma langue n’était pas paralysée, elle !

Ensuite, la Salpetrière, en neurologie. J’ai d’ailleurs de mauvais souvenirs de mes voisines de chambre à qui on venait de faire des examens très douloureux au cerveau. J’étais angoissée, j’avais peur et je souffrais. Tous les matins, nue, entre 8 et 10 médecins venaient à mon chevet. J’étais le phénomène du moment. Et lorsque je leur demandais ce que j’avais, ils me répondaient qu’ils ne savaient pas…

C’est pas la polio, c’est un Guillain-Barré !

Et puis, l’examen électrique où mes jambes ont décollées de la table. La brûlure. Puis le cri du Professeur Guérin qui sautait presque de joie en me disant : “Ca y est, j’ai trouvé, je sais ce que tu as ! C’est pas la polio, c’est un Guillain-Barré !” Je pleurais tellement j’avais eu mal et je ne comprenais pas ce qu’il voulait dire. Je me souviendrai toute ma vie de ce MONSIEUR. Il pleurait avec moi, j’avais 21 ans, lui plus près des 60 (je pense). “Je sais que tu vas être sauvée, ça ne durera pas, ça ne durera pas…”

Ca a duré quand même 11 mois. Car après la Salpetrière, ce fût Garches pour la réanimation, le poumon d’acier, puis 28% d’autonomie respiratoire, le boxe de réa, les ponctions lombaires successives, les essais (21 médicaments par jour).

Mes releveurs de pieds ne fonctionnent plus mais…

Puis est venu enfin la rééducation, tous les jours, d’abord dans le lit, puis sur un fauteuil. Les médecins m’avaient dit qu’à ma sortie, je devais courir comme une majorette. Mais 35 ans après… je n’ai pas retrouvé mes releveurs de pieds, ni ma sensibilité. Depuis tout ce temps, j’ai toujours travaillé, dans un bureau, mais n’ai jamais pu me baisser, sinon je perds l’équilibre. Sans compter les fois où je loupe les trottoirs (j’évalue mal les hauteurs), où je me tords les chevilles, etc. Mais ça, ce n’est pas grave, car et j’ai eu 2 magnifiques filles qui ont maintenant 24 et 26 ans et un mari qui m’a épousé il y a 32 ans alors que l’on ne savait pas si j’allais récupérer ou pas.

Mais depuis tout ce temps, je suis restée seule avec ma maladie, alors sans doute que vous comprenez mon émoi de vous lire toutes et tous, car je ne me sens enfin plus seule. Excusez la longueur de ce récit, mais il y a si longtemps que je voulais sortir tout cela à des personnes qui pouvaient partager tout cela avec moi, sans compassion mais avec compréhension. Merci à vous de m’avoir lu. Bisous… et tenez bon… la vie est belle…