Je suis en colère à cause du Guillain-Barré. Mon fils a demandé à mon mari si j’allais mourir. Ma fille ne veut plus me toucher.

Je m’appelle Virginie, j’ai été atteinte du syndrome de Guillain Barré en mai 2011. Je me lève un matin, j’ai très mal au dos, je vais donc voir ma masseuse habituelle mais la douleur ne passe pas vraiment… Le lendemain j’ai des fourmis dans les mains et dans les pieds… Puis le jour suivant, toujours mains, pieds mais aussi dans la bouche. Et ce mal de dos qui continue…

Virginie,

Guillain-Barré en 2011

La douleur me rend folle

Je suis alors à mon compte comme esthéticienne en Suisse, pays frontalier de ma ville, je pars au travail en ayant le sentiment que quelque chose de bizarre se passe dans mon corps sans pouvoir l’expliquer…

À midi, je décide de renter chez moi et j’appelle mon homéopathe qui me reçoit presque immédiatement car il part en vacances le jour suivant… Il vérifie mes réflexes au niveau des genoux et mes jambes partent dans tous les sens… Il me dit que j’ai un gros manque de calcium. Je rentre, je prends ce qu’il me conseille et je ne le supporte pas. Je vomis, le mal de dos empire…

Le lendemain, les fourmillements sont au niveau des mes coudes et de mes genoux. Le mal de dos empire, je commence à être inquiète… Je passe ma vie sous la douche ou à me faire des compresses que je passe au micro-ondes pour essayer de faire passer cette douleur de dos qui me rend folle et qui ne passe pas malgré le paracétamol ou l’ibuprofène.

Je prends donc rendez-vous avec le médecin de famille qui me fait passer un scanner de la colonne et tous les tests sanguins possible et inimaginable…

Verdict : rien…

J’ai besoin de repos

 Je décide de demander conseil à une amie qui travaille dans une clinique privée dans la ville voisine, car je commence à avoir peur et à souffrir de plus en plus.

Je rencontre un neurochirurgien qui me dit qu’il n’y a rien d’anormal. Il me pose pleins de questions. Est-ce que je suis fatiguée ? Oui, ça fait déjà presque une semaine que je ne dors pas ou presque…. Est-ce que je suis en surmenage ? Oui, j’ai un boulot à plein temps, deux enfants, une maison, un mari qui travaille en station de ski à 45 mn de route, que nous montons voir tous les week-end. Mais je rentre de vacances quand même… Et ma fille qui fait otite sur otite à chaque dent… Elle a 1 an et demi et son grand frère dont il faut s’occuper a 7 ans… Est-ce que j’ai des problèmes de couple ? Ben non ça va…

Verdict, je dois me reposer… Mais entre-temps, j’ai une paralysie faciale…

Un IRM qui ne révèle rien

La semaine suivante, je revois mon médecin de famille qui s’inquiète et qui cherche vers qui m’envoyer… A plusieurs reprises, j’insiste sur le fait que le neurochirurgien s’occupe bien de moi. Elle finit par céder.

Les jours suivants, je revois le neurochirurgien, il ne comprend pas. Je n’ai rien. Il décide « pour me faire plaisir » de m’envoyer faire un IRM des quatre membres.

Quand j’arrive à l’IRM, les personnes sont choquées. Je marche avec grandes difficultés au bras de mon mari. On me pose plein de questions et on me fait plutôt passer un IRM cérébral et de tout le corps. Mais ils ne trouvent rien. Ils ne comprennent pas.

Entre temps, je ne peux plus me lever ou me laver toute seule. Je ne peux plus monter ma main droite à ma bouche. Je ne peux plus lever ma jambe droite non plus. Je ne peux plus m’habiller. Je n’arrive presque plus à parler, sauf en me tenant la lèvre inférieure. Je souffre le martyre. Je me bourre de médocs… qui ne font presque rien. C’est un vrai supplice… J’ai l’impression d’avoir un pieu planté dans le dos…

Je suis alors presque totalement paralysée mais je marche encore, comme je peux, grâce à ma maman qui me voit dépérir à petit feu. Elle passe tous jours et veut que je garde un peu de muscles.

Personne ne trouve ce que j’ai, mais je ne me rends pas compte de la gravité de la situation. Je ne pense même pas à aller à l’hôpital.

La veille d’aller revoir le neurochirurgien, je sors de salle de bain en m’aidant des murs. Soudain, je perds l’équilibre. Je me sens partir en arrière. Je n’ai rien à quoi m’accrocher, je n’ai plus de réflexes. Je tombe sur le dos et la tête d’un seul coup. Mon mari est pétrifié.

« Vous avez un gros problème psychologique, madame !!! »

Je retourne voir le neurochirurgien, avec les résultats. Là, il débarque dans la salle d’attente et me hurle dessus devant tout le monde. Il me dit : « Maintenant ça suffit vos simagrées, levez-vous immédiatement, vous n’avez rien, c’est dans votre tête ! » Je n’ai pas la force de me lever. Mes bras ne me soulève plus et malgré tout, j’essaie et je pleure… Mon mari m’aide à me lever, m’aide à marcher jusqu’à la chaise dans le bureau du neurochirurgien où il continue de me crier dessus. « Enlevez vos chaussures !!! Dépêchez-vous !!! Vous avez un gros problème psychologique, madame !!! Vous devez vous faire soigner !!! Il faut voir un psy !!! D’ailleurs je vous prends rendez-vous immédiatement !!! »

Il prend son téléphone et prend rendez-vous. Mon mari lui explique qu’il me connait bien et que même si parfois je suis fatiguée et que je n’ai pas forcement le moral, en ce moment ce n’est pas le cas. Nous rentrons tout juste de vacances. Il raconte comment je suis tombée le veille au soir, que ce n’est pas fait exprès, que je ne peux pas faire semblant. Le neurochirurgien se reprend et me dit d’un air détaché : « Bon, peut- être que je me trompe, vous allez aller voir une neurologue… » Je sors pétrifiée, de peur, d’incompréhension.

Le syndrome de Guillain-Barré

Je me rends l’après-midi même chez la neurologue et en très peu de temps, elle se rend compte que j’ai un soucis. Elle me demande depuis quand de temps je suis comme ça. Trois semaines… Elle n’en revient pas que le neurochirurgien n’ait rien vu et surtout qu’il m’aie traité de la sorte. Je n’arrête pas de pleurer, je suis choquée de cet entretien avec ce charlatan… En deux temps trois mouvements, elle me parle de syndrome de Guillain-Barré.

Je suis complètement perdue et je demande à voir mon mari car je ne sais pas, je ne sais plus ce que je dois faire. J’ai peur. Entre temps le neurochirurgien me rappelle sur mon téléphone et me dit qu’il a échangé avec la neurologue. Mais pour lui, le Guillain-Barré n’est pas encore avéré et il me conseille vivement de me faire suivre psychologiquement. Il n’y croit, ne s’excuse même pas.

Direction l’hôpital. Je suis enfin prise en charge. J’ai enfin le sourire aux lèvres car j’ai un début d’explication.

On me fait un électromyogramme des jambes, des pieds, et le verdict tombe enfin : syndrome de Guillain-Barré. Je rentre dans ma chambre. On me pèse, je fais 36 kg…

Un long combat débute

Après trois semaines d’errance médicale, après avoir été pris pour une folle, voir affabulatrice, on trouve enfin ce qui m’arrive, le diagnostic est posé : c’est un syndrome de Guillain-Barré.

Je reste hospitalisée durant une semaine, je perds du poids, c’est très difficile. Je ne marche plus… On me lave, on me lève, on m’aide à manger… mais je garde le sourire malgré la difficulté. Je commence à comprendre que je ne vais pas remarcher tout de suite, comme j’ai pu le croire. Un long combat va se mettre en place. On m’a dit que j’allais remarcher, donc ce n’est qu’une question de temps.

On me propose de m’envoyer dans un centre de rééducation à deux heures de chez moi. Je suis en colère. Mes enfants sont choqués. Mon fils a même demandé à mon mari si j’allais mourir. Ma fille ne veut plus me toucher. Mon mari est abattu.

Je décide alors de refuser de partir en centre et de rester auprès des miens. Je refuse les installations que l’on me propose pour m’aider au quotidien. Le lit médicalisé ne rentrera pas chez moi de toutes façons. Mes parents, ma famille et mes amis vont m’aider. Ils me l’ont proposé.

On adapte la maison à mon handicap

Je commence à faire une liste des jours et des personnes et leur demande quand ils peuvent venir car je ne peux pas me lever, je ne peux pas aller aux toilettes, je ne peux rien faire. Même pas m’occuper de mes enfants.

Je contacte un kiné Atanas « mon rayon se soleil ». Il vient à la maison deux 2 fois par semaine et se sera bien assez pour l’instant.

Je prends un fauteuil roulant, un déambulateur, je mets un tabouret dans ma douche (je dis « je » mais bien sûr ce n’est pas moi…) Et on installe des toilettes au rez-de-chaussée.

Maintenant le combat peut commencer. Ça ne va pas être facile. Je fais à peine 30 kg. Les douleurs sont monstrueuses, dans tout mon corps. Une espèce de paralysie ultra sensible, même le drap sur ma peau est un calvaire. Mes membres se sont recroquevillés. J’ai du mal à manger.

MAIS JE GARDE LE SOURIRE !

Je veux me lever le plus tôt possible pour pouvoir me mettre dans mon fauteuil roulant pour aller aux toilettes toute seule. Je veux pouvoir monter les escaliers pour aller coucher ma fille qui hurle à la mort tous les soirs car je ne peux pas m’occuper d’elle. Je veux pouvoir marcher avec des béquilles pour pouvoir aller sur ma terrasse toute seule. Cela va mettre du temps mais pas tant que ça finalement, d’après les médecins.

Dix ans après mon Guillain-Barré, je ne lâche rien

Après avoir été hospitalisé à Evian-les-Bains pour recevoir un traitement à base d’hémoglobines, je me suis battue de longues années. Après le fauteuil roulant, j’ai eu le déambulateur durant 3 mois, des béquilles durant 3 ans puis j’ai mené un long combat pour retrouver mes facultés motrices.

Tout a été une succession de besoins et d’envies qui m’ont poussée à toujours aller plus loin.

Je garde quelques séquelles mais dans l’ensemble je ne m’en sors pas trop mal. J’ai essayé tant de choses ! Yoga du son, qi cong, méditation, yoga de l’énergie, thérapie pendant 2 ans et demi, rebouteux, hypnose, EFT, médecine chinoise, chiropracteur, ostéopathie, médicaments (que je prends encore à de plus faible dose aujourd’hui et que je diminue petit à petit pour me désaccoutumer et bien d’autres choses…). Tous ont été bénéfiques à un moment donné. Même encore aujourd’hui après dix ans, je ne lâche rien.

J’ai repris le travail avec mon mari. Dans un premier temps, je faisais la compta. Pas facile quand le cerveau marche à deux à l’heure.

Puis je suis allée travailler au restaurant de mon mari. Pas beaucoup au début et puis un peu plus.

Une nouvelle vie

Au bout de 7 années, mon mari m’a quitté pour ma meilleure amie. Encore un coup dur. Mais il n’a jamais accepté la maladie, que je sois différente, que je sois dans mon combat et plus aussi admirative de lui. Comme avant. Que je n’ai pas envie de faire l’amour, alors qu’il me regarde de travers dès qu’il passe la porte de la maison car je suis allongée à me reposer. Ce fut encore un autre combat mais j’y suis arrivée.

J’ai reconstruit ma vie, avec mes enfants. Quelques rencontres m’ont apportées du soutien, de l’affection. J’ai essayé beaucoup de boulots différents. A chaque fois très compliqués dû à ma mauvaise condition physique. J’ai repris l’esthétique mais pas les soins du corps.

Aujourd’hui je travaille 4 mois puis je me repose 2 mois. J’ai la chance d’avoir rencontré un patron qui comprend mes difficultés et qui malgré tout apprécie grandement mon travail.

Je suis actuellement en reconversion professionnelle, en formation pour devenir hypnothérapeute dans l’optique de m’aider encore, et d’aider les autres aussi. Je crois fermement que je suis faite pour ça.